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 + Hector - L'antre du poète

écrivainpoème d'hiver
Elspeth Whyte
Elspeth Whyte
épargné(e)
avatar // crédit(s) : Lily Collins - Flow la plus belle
âge : 23 années pétries d'angoisses et de morosité.
statut marital : Seule comme la lune qui gravite autour de la Terre et de ses habitants.

métier : S'essaie à la création de comics, à la recherche d'une inspiration fragile et périodique.
carcasse : Elle s'imagine mortelle et l'est bel et bien, malgré les origines occultes de son père, inconnu.
damnation : La main noire : elle ferait mourir la plus résistante des plantes.

échanges : 59
arrivée : 21/03/2020


cthulhu fhtagn
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Mar 24 Mar - 22:10

date du rp ≈ 28 février 1982.
lieu du rp ≈ Dans la lande, avant la mer.

L'antre du poète
Selkirk est une île au Nord de l’Ecosse, battue par les vents et les marées odorantes, elle surgit tel un roc, un espoir perdu dans une nature on ne peut plus accablante. L’on n’y vit depuis toujours simplement et sans frasques, les gens d’ici ne font pas de manière et s’ils s’agglutinent tous les dimanches dans l’église, ils n’en sont pas moins que des paysans et des pêcheurs en quête de pardon. Elspeth n’échappe pas à ce destin entre terre et mer, entre lande et sable. Elle foule depuis toujours les chemins de l’île, que cherche-t-elle dans ces randonnées improvisées ? Rien de plus que l’inspiration pour écrire sur un monde qu’elle ne connait pas ; ne connaitra jamais. Elle dessine des bâtiments qu’elle n’a aperçu que dans d’autres livres, sur d’autres images télévisées ; cet ailleurs qu’elle s’invente et s’imagine en marchant d’un pas rapide et décidé sur la terre meuble de Selkirk. Elle n’y connait rien à cette Tamise, ce London Eye et toutes les autres richesses de Londres et pourtant elle y place son intrigue, mais lorsque ses yeux se perdent loin du rivage il lui semble presque qu’elle devine tout cela sur la ligne d’horizon, ou par-delà celui-ci, elle ne sait pas trop.

Aujourd’hui encore, elle parcourt l’île de son pas lourd. Pourtant une créature aussi frêle qu’elle ne pèse pas assez pour alourdir tant ses pauvres pieds, elle imagine parfois que c’est son destin qui vient ajouter sa masse à la sienne, dérisoire et pourtant si effrayante. Elle essaie tant bien que mal de l’oublier, pourtant, le nombre sur cette balance, elle tente de ne pas le calculer, ne pas rationner, ne pas éliminer ni compenser. Mais cela la rattrape toujours, perdue qu’elle est dans cette recherche du contrôle, entre tocs et rigidités, elle ajuste son poids comme son existence. Elle tente de se faire disparaître petit à petit, flirt avec ses limites et voit ses efforts récompensés, de chute en chute, de pâleur en maigreur et de faim en vide. C’est aussi pour cela qu’elle marche, marcher ne lui demande pas trop d’effort, lui permet de penser à autre chose et de se débarrasser de cette graisse qu’elle voit déjà s’accrocher à ses os frêles.

Elspeth monte sur un petit promontoire de roche, là-haut, le vent l’assaille et tente de l’emporter comme une feuille d’automne, ce n’est pas la saison pourtant. Mais le vent n’en a que faire, c’est son royaume et il n’a cure de ses sujets. Son long gilet de laine bleu nuit peine à la réchauffer et ses mèches brunes valsent autour de sa tête et lui font comme une couronne agitée. Elle observe la plage qui s’étend un petit peu plus loin, aux confins de la lande et de l’étendue salée. Elle s’imagine, voguant au-delà des flots, jusqu’à la ville la plus proche, proposant son storyboard à des maisons d’édition du continent, cherchant à partager ses élucubrations et ses personnages hauts en couleur.

Alors que son esprit touche à nouveau le réel, elle avise une silhouette qu’elle n’avait pas deviné jusqu’alors. Un homme est assis dans la mousse et écrit dans un petit carnet. De son perchoir, elle ne peut deviner ce qu’il écrit ou ce qu’il dessine, mais sa curiosité est piquée quand elle comprend qu’il s’agit d’Hector Desmond, un autre jeune de son âge. Alors elle quitte son rocher et s’avance dans sa direction de ses gros pas. Elle s’approche de lui lentement et lance sans préambule, sortant une cigarette de sa poche et un briquet.
« - Desmond, tu veux une cigarette ? » Elle ne comprend pas trop pourquoi elle fait cela, sa spontanéité se montre toujours à des instants inopinés.
:copyright: 2981 12289 0
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Hector Desmond
Hector Desmond
épargné(e)
avatar // crédit(s) : charlie heaton // flow (la meilleure)
âge : 23 ans
"On marche, on court, on rêve, on souffre, on penche, on tombe,
On monte. Quelle est donc cette aube ? C’est la tombe."

métier : poète en herbe
carcasse : mortel
échanges : 49
arrivée : 22/03/2020


cthulhu fhtagn
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Jeu 26 Mar - 15:43

date du rp ≈ 28 février 1982
lieu du rp ≈ dans la lande, avant la mer

l'antre du poète


Hector — Elspeth

you'll find me, between the devil and the deep blue sea, and I'm going under. I'm coming up for air, come and share my last breath ; Save it for a time when I'm here no more. We're diving in the deep end, We can't turn back again.



Il y a Hector et il y a le vent. Il y a la mer, aussi, qui rugit au loin, qui crache sa salive iodée sur la claire immensité de la plage. Le silence a le ciel et la terre pour empires – sa forteresse est inexpugnable ; ses remparts, impénétrables. C'est sur cet endroit hors des lois, bien loin des ridicules contingences humaines que s'est porté aujourd'hui le choix de notre jeune poète. Assis sur la mousse, cinglé par les vents, les narines toutes pleines de l'odeur de la lande et des flots au loin,  il contemple l'horizon. Que cache cette terrible barre bleutée que fait la mer, surplombée par le coton grisâtre de quelques nuages ? Quelles terres s'étendent par-delà les eaux maritimes, invisibles à ceux de Selkirk ? Peut-être ces terres sont-elles ensoleillées, peut-être les nuages y sont-ils plus blancs, peut-être les hommes y sont-ils plus doux. Il rêve à cette altérité nouvelle, Hector ; il songe à des cœurs à aimer, à des mains à attraper, à des souffles à partager. Ici, les gens sont mangés par les ténèbres, ils ont au fond des yeux quelque chose de décati. Lui-même ne fait pas exception – son âme compte sûrement parmi les plus noires de toutes, alors même qu'il lutte chaque jour pour que ses tourments ne se manifestent pas au grand jour. Et il est attaché à Selkirk, le jeune poète, comme on s'attache à sa maison – c'est là où il est né, là où ils sont nés, Edmund et lui ; là où la vie s'est refusée à son frère jumeau tandis qu'elle l'investissait, lui, Hector. C'est là où il a grandi, là où il s'est construit – elle tiendra toujours une place spéciale dans son cœur. Elle est dans sa chair, dans ses os et dans ses veines. Elle est dans ses mots et dans ses peines. Et aujourd'hui encore, elle lui souffle l'inspiration ; mystérieuse, terne, indomptée – c'est là sa singularité. Elle est bien loin des tableaux naturels qui inspirent habituellement les artistes, qu'ils soient peintres, qu'ils soient poètes. Selkirk n'a pas en elle cette lumière, ni ces couleurs intenses – il y a en elle de l'insipide, de l'ordinaire, du sale, du trivial. Il y a en elle du prosaïque  - et Hector a fait du poétique à partir du prosaïque ; ultime paradoxe de cet être antithétique.

Assis dans la mousse, il a sorti de son sac ses deux carnets ; celui qu'il montre sans mal à qui veut le voir – joliment orné, l'écriture y est calme, droite, appliquée – et puis l'autre. L'autre, c'est un petit carnet noir, brûlé en certains endroits, gondolé, entouré d'une ficelle sombre qui le tient fermé. Celui-là, personne ne le connaît, nul autre ne l'a tenu entre ses mains. Celui-là, il réunit toutes les plaies d'Hector entre ses pages, comme s'il y écrivait avec son sang et ses poings. Il l'appelle très sobrement le carnet noir. Aujourd'hui, il traîne à ses pieds, tandis que c'est dans l'autre que le poète écrit pour l'instant. Pour l'heure, il règne en lui une certaine légèreté – il lui semble que le vent emporte avec lui sa douleur, le forçant à communier avec cette nature omnipotente qui l'entoure ; la fragilité matérielle, charnelle, qui est la sienne, lui apparaît clairement – qu'est-ce qu'un cœur humain quand existent les mers et les vents, les vagues et le temps ? Qu'est-ce qu'une âme en peine, et son sang, et ses veines ? L'immensité écrase l'homme autant qu'elle le grandit, l'enchaîne à elle autant qu'elle le libère. Et la poésie, elle, s’attelle à rendre cet énigmatique-là ; chaque mot qu'Hector écrit est à la fois une question et une réponse, une supplique et un merci. Ses poèmes ne se contentent pas de dire ou de représenter – ils le disent, ils le représentent ; car chaque mot est une goutte de son sang, chaque vers, un muscle, chaque virgule, un nerf, chaque strophe, un os – chaque titre, un cœur. Nulle poésie objective, froide, rigoureuse, sans âme – car le poète s'incarne au fond des mots qu'il jette sur le papier.

Assis dans la mousse, Hector est tout entier à son poème – lui qui se tient sur ses gardes en permanence, vivant dans la peur constante d'être surpris en pleine crise, en pleine explosion, en pleine pulsion autodestructrice, lui qui ne laisse rien échapper à sa vigilance, il n'a pas entendu les pas derrière lui. Alors, lorsque la voix s'élève, inattendue, il est pris d'un vif sursaut. Du bout du pied, il fourre hâtivement le carnet noir au fond de son sac, avant de se retourner. Le visage qui lui fait face ne lui est pas étranger – Elspeth, s'il se souvient bien. Même s'ils n'ont jamais été particulièrement proches, il a toujours eu pour elle un certain intérêt ; tout ce qu'elle dégage lui rappelle ses souffrances à lui, ses failles, ses fissures intérieures. Peut-être se méprend-il, au fond, qu'il se voit plutôt lui-même au fond des yeux de la jeune femme ; le fait est qu'elle a éveillé sa curiosité, Elspeth. Alors, même s'il n'apprécie guère être troublé en pleine séance d'écriture, en plein processus de création poétique, il lui adresse un bref sourire avant de lui répondre :
– Oui, pourquoi pas. Merci.
Si l'alcool le remplit de crainte quant à sa possible désinhibition et à ce qu'il pourrait trahir de lui une fois ivre, fumer détend Hector – et le poète en lui aime à voir les volutes grisâtres valser autour de lui lorsqu'il recrache la fumée qu'il n'a pas laissée tapisser sa gorge. Il est terriblement conscient du pouvoir délétère de cette activité – pire, il le recherche. C'est pour lui une manière de se détruire sans révéler la violence et l'affliction qui le composent ; une manière de se blesser sans  que n'apparaisse sur sa chair le moindre stigmate – se tuer petit à petit, au nez et à la barbe de tous. Saisissant la cigarette que lui tend Elspeth ainsi que le briquet qu'elle lui tend, il la glisse entre ses lèvres froides avant de l'allumer, ses mains protégeant la flammèche du briquet du vent qui crie toujours. Il tire longuement sur la clope une première fois, avant de demander à la jeune femme :
– Tu viens souvent par ici ? Je t'avais jamais vue avant... Mais bon, j'étais peut-être trop concentré sur ce que j'écrivais.
Il espère surtout que si elle a effectivement pour habitude de venir ici, elle ne l'a jamais vu écrire dans le carnet noir...
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Elspeth Whyte
Elspeth Whyte
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cthulhu fhtagn
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Lun 30 Mar - 18:25

date du rp ≈ 28 février 1982.
lieu du rp ≈ Dans la lande, avant la mer.

L'antre du poète
Son corps ne se pose que rarement. Son esprit lui, est aisément coincé dans une léthargie dense. Presque comme si des chemins neuronaux étaient verrouillés, il ne lui reste que l’essentiel pour fonctionner, et encore. Tout ce qui est imagination, création, réflexion, mémoire est un bouillon amorphe au fond de son esprit. Son attention ne s’accroche que quelques minutes sur un sujet ou un autre, elle s’égare souvent dans des pensées automatiques et des sentiers usités pendant des années. Ce ne sont pas pour autant les meilleurs, une fois qu’elle se lance dans ses pensées d’auto-accusation, de culpabilisation, la sortie de route n’est plus permise : il faut subir et vite, se coltiner encore et toujours ces accusations cycliques qui roulent et roulent dans son crâne, la laissent pantelante alors que rien ne transparait en surface. Elle a lutté longtemps. Maintenant, elle se résigne. S’il y a bien un chemin qu’elle n’emprunte pas, c’est celui de la bienveillance et c’est là, son plus grand préjudice.

Alors elle préfère marcher plutôt que de se ronger les ongles, de s’arracher la peau des doigts et de se frotter les mains sèches toute la journée. Mais ce qu’elle préfère, dans toutes ces stimulations sensées apaiser la peine et l’anxiété, c’est frotter la peau, arracher de ses ongles courts toutes les aspérités rencontrées sur le passage mortifère de ses doigts sur son visage, ses bras, son ventre. Elle en passe du temps à s’examiner sous toutes les coutures et à gratter, frotter, annihiler les boutons et autres marques qui la recouvrent. Ce n’est pas tant qu’elle ait une peau disgracieuse, au contraire, les atrocités adolescentes ont depuis longtemps cessé de heurter son épiderme, mais plutôt une recherche de consolation, d’occupation dans cette recherche sans fin d’imperfections. Finalement, le seul morceau de contrôle qu’elle puisse exercer sur son être est celui qu’elle possède sur son propre corps.

Il est rare qu’elle croise âme qui vive sur les sentiers qu’elle suit tant ils sont fins et presque indécelables ; mais aujourd’hui rompt la parfaite routine de ses pérégrinations et la met face à un visage connu. Hector Desmond a côtoyé toutes les années scolaires d’Elspeth et peuple son monde tout comme les autres habitants de Selkirk : de manière indifférente. Ils n’ont rien d’intéressants, ces villageois ternes. Il n’y a que Zach pour mériter son regard et son affection, les autres déçoivent par leurs espérances. Ils se débattent comme des cloportes sous des cailloux, ils s’agitent et tentent de faire quelque chose de leurs pauvres existences ; c’est affligeant. Elle préfère les résignés, les gueux qui s’anoblissent par l’oisiveté fataliste qui les habitent. Peut-être envie-t-elle simplement ces autres ? Elle n’en sait rien, elle n’y réfléchit pas de toute façon.

Si la présence de ce jeune homme sur l’île n’a jamais intéressée Elspeth, voilà qui est en train de changer. Qu’est-ce qu’un garçon comme lui, qui a tout ce qu’on peut rêver dans une bourgade pareille, vient faire sur son chemin, assis dans sa mousse ? Elle est curieuse de le découvrir et c’est certainement pour cela qu’elle l’approche avec une offre de paix : une cigarette, qu’il accepte. Quand il lui rend le briquet, elle s’assoit à côté de lui, serrant son gilet de laine brune autour de sa taille frêle. Elle glisse l’artéfact morbide entre ses lèvres, approche la flamme et aspire goulument la fumée avant de la laisser s’échapper et de répondre.
« - Très souvent, ouais. On vient peut-être pas aux mêmes heures, simplement. »

Elle regarde le paysage et les mouettes qui dansent et produisent le son affligeant qu’est leur cri. Elle n’ose demander ce qu’écrit Hector et pourtant, c’est bien pour cela qu’elle l’a abordé, non ? Elle ne sait que trop ce que c’est de parler de son art, il n’y a pas grand monde qui ait droit au privilège de connaître le sien. Mais qu’à cela ne tienne, il y a des jours où elle se surprend.
« - Je viens ici pour dessiner en général, c’est inspirant comme endroit, tu ne trouves pas ? »

Il y a la mer, il y a l’horizon, la bruyère et les oiseaux. La nature abrupte de l’île de Selkirk enveloppe tout ici, et les personnes et les esprits qu’on imagine aisément rôder sur les chemins de terre. Tout ce qu’il faut pour stimuler l’inspiration des artistes.
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Hector Desmond
Hector Desmond
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Dim 5 Avr - 18:38

date du rp ≈ 28 février 1982
lieu du rp ≈ dans la lande, avant la mer

l'antre du poète


Hector — Elspeth

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Les yeux d'Hector ne connaissent le repos qu'une fois fermement clos. Lorsque le jour vient jeter sa froide lumière sur ses prunelles sombres et s'y frayer péniblement un chemin, il est condamné à poser le regard sur quelque chose, ou quelqu'un. Ils sont en errance perpétuelle, ces yeux-là, fixés en permanence, analysant l'altérité sans discontinuer. Il a des yeux de littérateur, des yeux d'écrivain ou de poète, ou les deux. Des yeux qui vous fouillent, qui vous creusent – quelque chose de presque contondant, parfois, quelque chose de l'aigle qui dévore pour l'éternité le foie de Prométhée sur le mont Caucase. Des yeux qui laissent voir au moins autant qu'ils voient – des yeux qui trahissent le secret d'Hector, l'exposant à qui saura poser sur eux un regard à la fois attentif et clairvoyant. Faut-il en déduire que personne n'a jamais su le regarder, Hector Desmond ? Car la vérité, la noire vérité est là, derrière les sourires, derrière la chaleur, derrière les accolades et la sollicitude – elle étale ses ténèbres hideuses à la vue de tous, terrible ornement des iris sombres du poète. Et parfois, il voudrait qu'on le regarde, Hector, qu'on le regarde vraiment – qu'on aille au-delà de cette lumière que reflètent ses yeux, et qui exacerbe la chaleur de son aura, au-delà de ce qui scintille en lui ; qu'on voie dans la pénombre de ses yeux les tourments et les douleurs, loin de la vitalité et la douceur. Tous se méprennent sur la lueur qui les habite, ces yeux-là – on croit à la flamme stable et forte d'une bougie qui se dresse dans la nuit ; c'est un incendie d'agonie, une déflagration de folie. Il y a quelque chose de malade au fond des yeux d'Hector, quelque chose de souffrant et de fiévreux. Quelque chose qui pulse jusque dans les tréfonds de tout son être, tant et si bien qu'il a l'impression d'exposer au monde entier sa faiblesse – le fait est, pourtant, qu'il est bon acteur, ou bien que personne n'a pris la peine d'aller au-delà de cette façade ; il y a du vrai dans chacune des deux options.

Peut-être qu'il n'est pour les autres que cette chaleur qu'il dégage et qui les aide à surmonter les difficultés qu'ils rencontrent sur le sentier complexe de leur existence ; peut-être qu'il est plus aisé pour eux de s'arrêter à cette gentillesse, à cette pureté dans l'intention, à cette disponibilité permanente – après tout, quel intérêt trouveraient-ils à aller plus loin, à ouvrir la boîte de Pandore du cœur d'Hector ? Les démons hideux qui s'en échapperaient risqueraient de leur saigner dessus... Quel imprudent irait taquiner la plaie, gratter la cicatrice pour trouer l'épiderme déjà rudoyé ?
Aujourd'hui, pourtant, le poète se sent parcouru d'une certaine légèreté – ses yeux, qui se sont posés sur Elspeth dès lors qu'elle est entrée dans son champ de vision, sont désormais fichés dans le gris morose du ciel ; elle irradie une énergie lasse qu'il ne connaît que trop bien. Et il sait qu'avec elle, il n'a nul besoin de revêtir sa cuirasse – elle lui serait inutile, de toute façon. Ses étreintes et ses sourires, sa douce extraversion ne suffiront pas à rallumer le feu au fond des yeux d'Elspeth – il n'aura pas l'audace indécente de se poser en sauveur, Hector ; il connaît les ténèbres bien mieux que cela ; il sait que ces plaies-là saignent même une fois refermées. Alors il se contente de regarder le ciel et les arabesques que fait son haleine enfumée.
– T'as sûrement raison...
Il ne croit guère aux coïncidences, le jeune poète. Peut-être a-t-on mis Elspeth sur son chemin ? Il lui paraît incroyable, à proprement parler que, de toutes les fois où il est venu écrire ici, jamais il n'ait rencontré la jeune femme, et que ce cela se produise par un simple concours de circonstances. A ses yeux, cela ne peut signifier qu'une seule chose – ils étaient destinés à se rencontrer ici, maintenant, et à avoir cette discussion.

Et lorsqu'elle se met à évoquer l'activité artistique qui est la sienne, il en est sûr – il y a bien plus qu'un heureux hasard à l'origine de leur discussion. Il ne lui en fait évidemment pas part – elle le jugerait certainement superstitieux ou trop crédule, et il est vrai qu'il a tendance à surinterpréter, Hector, à voir des causalités partout : son âme d'artiste aime à joindre, à relier, à tisser, à chasser les solitudes et à joindre les âmes. Alors il ose se dire qu'il y a peut-être quelque chose de plus grand qu'eux qui les a entrechoqués aujourd'hui, dans la lande, avant la mer. Il lui faut continuer cette conversation, découvrir l'artiste en Elspeth qu'il rencontre aujourd'hui :
– Très. J'y viens régulièrement depuis des années déjà, et pourtant je ne me suis jamais lassé de cet endroit... J'y trouve toujours une inspiration nouvelle.
Les mouettes viennent signifier leur accord en criant, arrachant à Hector un sourire attendri. Il les connaît, ces oiseaux et leur conversation un peu lugubre. Ils l'aident à trouver les mots, et à les coudre entre eux – ils l'accompagnent lorsqu'il écrit, que ce soit dans le carnet clair ou dans le noir. Aujourd'hui, il lui semble qu'elles l'aident à converser avec Elspeth, les mouettes au rire un brin sinistre, un peu comme si elles veillaient sur lui. Il poursuit d'ailleurs :
– Alors tu dessines... Plutôt les paysages, ou alors ils t'aident pour d'autres choses ?
Sa courtoisie naturelle, ainsi qu'une certaine pudeur qui est la sienne lorsqu'il est question de son art et de ce qu'il crée le poussent à rajouter précipitamment :
– Ne te sens pas obligée de répondre surtout. Je suis un peu curieux mais je comprends tout à fait qu'on puisse avoir du mal à parler de ce qu'on fait... c'est dur pour moi aussi.
Et il tire une nouvelle fois sur la cigarette figée entre ses lèvres, les yeux vers le ciel.
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Elspeth Whyte
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Ven 10 Avr - 19:18

date du rp ≈ 28 février 1982.
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L'antre du poète
Il est rare de rencontrer de nouvelles personnes à Selkirk, d’autant plus pour Elspeth. Elle navigue depuis toujours presque avec le même équipage amical en la personne de Zach. Pour les autres âmes de l’île, elle les considère comme des connaissances, tout du moins, des personnes qu’elle côtoie par obligation mais sans envie, ni affection. Hector faisait partie de ce groupe d’individus, jusqu’alors. Mais quelque chose est en train de changer, et bien qu’elle préfère s’en tenir à sa routine, cela ne déplait pas à Elspeth. Serait-elle prête à laisser de la place dans sa vie pour un autre ? Elle n’y réfléchit pas pour l’instant, la brune ; l’instant est à la découverte, à la véritable rencontre entre ces deux êtres qui se connaissent si peu depuis toujours.

Elspeth réapprend tout, le visage d’Hector, sa voix, il lui semble ne l’avoir jamais réellement entendue jusqu’à présent. Il est différent. Différent de celui qui se pavanait dans la cour du lycée, de celui que Zach et elle détestaient – enfin surtout Zach. Parfois, les personnes changent d’attitude lorsqu’elles sont soumises à la pression sociale, peut-être est-ce le cas du jeune homme ? Elle ne le reconnait pas vraiment, assis dans la mousse humide de Selkirk, les yeux perdus dans le lointain ; dans ce paysage abrupt, il apparait bien trop doux, bien trop fragile. Comme elle. Lui aussi a des failles, des noirceurs et des douleurs, lui aussi garde son intérieur secret. Mais il déborde, son intérieur, maintenant qu’elle le regarde bien. Elle le voit, se pan noir qui s’échappe de sa personne, qui s’écoule lentement de ses yeux pour les remplir d’une tristesse singulière. La tristesse d’Hector vient toucher celle d’Elspeth. Elles se ressemblent. Et pourtant, elles sont uniques, chacune à leur manière ; mais il y a quelque chose d’universel dans la tristesse. C’est cela qu’elle observe, Elspeth, sa cigarette entre l’index et le majeur, les bras enserrant ses genoux osseux.

« - C’est partout pareil ici, mais y a des endroits chouettes pour réfléchir. Ici, c’est bien. » Elle a d’autres cachettes, mais elle les garde précieusement, tellement précieusement que même Zach ne saurait où la trouver quand elle part en balade. Le chant sordide des oiseaux de mer remplit le silence l’espace d’un instant. Elle porte une nouvelle fois sa cigarette à ses lèvres, elle la fume distraitement, automatiquement. C’est un geste qui accompagne ses pensées dans leur cours tumultueux, une habitude fâcheuse qui tâche ses croquis de nicotine jaunie. Lorsqu’elle pleure, ses larmes font un petit lac sur le papier, se mêlent aux nuances de crayon de papier et de nicotine pour former une aquarelle terne et sombre, c’est la couleur de sa tristesse. C’est ce qu’elle pense quand elle retombe sur ces tâches sèches en feuilletant ses papiers.

La brune hésite à demander à Hector ce qu’il écrit, elle est curieuse mais inhibée. Elle n’a pas l’habitude de converser ainsi, elle ne connait pas les codes, ne maitrise pas les usages… Zach est le seul auditeur de ses histoires, hormis ses grands-parents qui vivent son processus de création au jour le jour. Et finalement, le jeune homme pose une question en ce sens, ajoutant qu’elle n’est pas obligée de répondre. Elspeth regarde l’horizon un instant encore, ses cheveux emportés par une rafale glacée.
« - Non, je dessine des histoires. Elle serre les lèvres, mécontente de sa formulation. En fait, j’écris des comics, enfin un comic, j’essaie quoi. Rien à voir avec le paysage, rien à voir avec ici. Mais ça m’aide beaucoup quand même, d’être là. »

Elle regarde son interlocuteur, attendant sa réaction. Il ne connait peut-être même pas les comics, il n’y a pas grand monde à part Elspeth qui s’intéresse aux tribulations des héros de Marvel ou DC sur cette île.
« - Et toi, tu écris ? ou tu dessines ? » Elle n’est pas sûre de son impression mais il lui semble avoir aperçu des mots sur son carnet.
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Sam 18 Avr - 17:23

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Hector — Elspeth

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Il n'a pas tellement l'occasion d'entretenir des discussions portant sur son art, Hector – ce n'est pas tant par mépris élitiste que par crainte d'ennuyer ou d'être moqué. Car bien qu'on ne puisse lui retirer sa popularité, au poète, elle a quelque chose de superficiel, d'inconsistant, voire même de fallacieux – quelque chose d'unilatéral, également. Vous le verrez toujours s'intéresser à vous, vous encourager d'un hochement de tête à continuer votre narration, sourire doucement à mesure que vous lui déroulez la longueur de votre anecdote ; Hector a fait le choix de s'incliner vers les autres afin de pouvoir tourner le dos à la pourriture de son cœur béant – qui se penchera vers lui avec dans les yeux la promesse de rester, la promesse de lui tendre la main, la promesse de l'aimer enfin ? Il a beau prétendre que ces liens sans réciprocité véritable le satisfont, qu'il n'a pas besoin, au fond, d'un amour normé, d'une affection conventionnelle, que ce n'est pas grave, au fond, si personne ne connaît le Hector recroquevillé au fond des ténèbres, le fait est qu'il y a un gouffre au milieu de son cœur, un gouffre infini et sanglant que ces simulacres de relation ne parviendront jamais à combler. Quelque part, il l'a acceptée, cette incomplétude, il l'a admise entre ses côtes, autour de son cœur, autour de son cou – il l'a accueillie, cette noirceur nouvelle, il l'a laissée s'enfoncer en lui. Son cœur l'a épongée comme il a toujours épongé les malheurs de ceux qui viennent le trouver pour les lui relater. Il s'est dit, peut-être que c'est ainsi, que ce sera toujours ainsi, peut-être que je ne dois vivre que par les autres, peut-être que je ne mérite pas d'exister, peut-être que c'est uniquement au travers d'eux que je peux l'espérer. Il s'est résolu à n'être qu'à l'aune des autres.

Alors oui, évoquer ses activités créatrices dans le cadre d'une discussion, ça a quelque chose de précieux, quelque chose dont Hector peut goûter le délice sur ses lèvres desséchées par le vent – c'est beau comme un bourgeon, c'est d'or, d'un or fragile et pâle, c'est un cœur qui s'effeuille dans l'haleine curieuse d'une question, au creux de l'air iodé. L'intérêt qu'Hector décèle dans les questions d'Elspeth lui fait détourner les yeux du gris aveuglant du ciel ; il les oriente vers la jeune femme, prenant le soin de ne pas le faire inquisiteur, son regard, son regard d'artiste qui rencontre une semblable. Il y a, au-delà de cette fragilité un peu terne, au-delà de la légèreté filiforme, une lumière au fond de l’œil lorsqu'il est question de ses créations ; une flammèche qui peine à émerger au fond des flots tumultueux du doute et de la lassitude, un typhon minuscule qui tente d'écarter les nuages d'orages qui suffoquent les iris. Et il la voit, Hector, cette réciprocité qu'il n'osait plus espérer, il la sent l'effleurer comme la caresse d'une brise bienveillante et attentionnée. La conversation qu'ils tentent de tisser ensemble vacille comme tremble la mèche d'une bougie en consomption, mais elle est là, la flamme, elle émerge et chasse les noirceurs de la solitude – il y a entre eux deux cette étincelle vorace et vouée à grandir, il y a cette luminescence qui vient désagréger entre eux les préjugés, avaler la distance, unir les destins. Et il fera tout pour préserver cet instant en dehors des autres, pour que la flamme ne chavire pas, pour que le lien vienne unir leurs poignets d'artistes en construction.
– C'est vrai. Et même si tout se ressemble, pour moi chaque endroit me donne une inspiration différente d'un autre. Parfois, ce n'est pas grand-chose, mais c'est important pour moi...

Ce qui explique que son choix se porte sur tel ou tel endroit de l'île lorsqu'il quête l'inspiration, que certains voient venir des dieux, d'un souffle de transcendance, d'une élection divine ; et à chaque lieu, il associe une teinte – elles sont décaties comme Selkirk, ces couleurs qu'il se figure, un peu comme une tache anthracite sur une palette de peintre s'apprêtant à esquisser un ciel d'orage. Aujourd'hui, son esprit lui montre un ocre sablonneux, un peu délavé, un peu fuligineux, à l'image de la lande que cingle le vent impitoyable. Cette teinte, néanmoins, semble connaître une évolution graduelle, à mesure que se rapprochent les cœurs d'artistes, que s'étiolent les méfiances ; c'est une clarté nouvelle qui vient jeter son lustre sur l'ocre qui s'étale dans l'esprit  d'Hector. C'est, entre eux, tout autant les douceurs florissantes d'une aube que la tendresse émue d'un crépuscule. Aux mots d'Elspeth, Hector continue à vouloir associer des teintes – après tout, la synesthésie et la poésie, dans le sillage baudelairien, vont de pair. Il les évoquera peut-être ultérieurement, ces gammes de couleurs qu'il perçoit en parallèle des mots, de la transformation qui s'opère en lui des différents phonèmes en éléments graphiques.... Pour l'heure, il se contente d'exprimer sa curiosité et de prêter toute son attention à la réponse que lui a fait Elspeth :
– Oh, d'accord ! Je ne suis pas un expert dans ce domaine, mais j'aime assez en lire, de temps en temps. Je trouve que c'est un art double, et je suis assez fasciné par la capacité des auteurs – enfin, par votre capacité – à réussir à allier les deux...
Pour ce qui est de ses capacités d'illustration, affirmer qu'elles sont médiocres serait presque euphémique – et il en tire une inavouable frustration, lui qui a toujours brillé par ses facilités d'apprentissage et d'assimilation... De ses nombreuses tentatives d'illustration de ses propres écrits, il tire également un intérêt exacerbé pour cet art qui lui a toujours été inaccessible.

Viennent ensuite, c'était à prévoir, des questions sur sa poésie – ou, plus précisément, sur ses pratiques artistiques, puisque la jeune femme ne sait pas encore la forme d'art de sa prédilection. Il peut compter sur les doigts le nombre de personnes avec lesquelles il a évoqué ce sujet en profondeur... Lui qui est passé maître dans l'art de mener des conversations, de jouer l'être social, de feindre l'aise, la tranquillité et l'extraversion se sent novice, vacillant, presque nouveau-né – comme s'il n'avait jamais parlé, comme s'il ne s'était pas entraîné à conduire les discussions, à les faire progresser pour les emmener là il le voulait, comme s'il n'avait pas répété le rôle qu'il s'était assigné des années durant. Aucune phrase préconçue, aucune expression figée ne lui vient, ni aucun sourire fallacieux – il sait qu'Elspeth, il ne pourra pas la bercer de chimères, ni de sourires illusoires, et, d'ailleurs, il ne veut pas le faire. En Hector est née une envie qu'il n'a que très rarement, tout apeuré qu'il est par la perspective d'ouvrir la béance terrible de son cœur, la noirceur sanglotante de son âme – l'envie de nouer avec la jeune femme une proximité véritable, une amitié sans façades et sans mensonges, une amitié avec la réciprocité et la sincérité pour seules fondations ; une amitié qui jetterait sur eux son humble chaleur, loin des éclats tapageurs des relations à l'aspect idéal, qui cachent en elles des abysses terribles. Alors, il fait un pas vers elle, le poète, il ouvre la porte à cette conversation unique, qui peut, en apparence, présenter une certaine banalité – car quoi de plus trivial pour un artiste qu'une discussion sur son art, pas vrai ? Pour lui, pourtant, c'est bien différent – son art, c'est lui ; son art, c'est tout autant la poésie lumineuse que celle qui étale ses hideurs sanguinolentes sur les pages de son carnet noir. Le dire, c'est se dire.
– J'écris, oui... Un peu de tout, en fait, mais la poésie, c'est ce que je préfère et que j'écris le plus.
Il ne sait pas vraiment ce qu'il doit dévoiler ou pas, s'il faut attendre avant d'apporter des précisions, ce qui intéresse ou pas Elspeth... C'est comme apprendre à parler à nouveau, balbutier en tentant d'articuler des mots étrangers... Heureusement, la cigarette lui donne un semblant de contenance, lui permettant d'occuper sa main droite, en exhalant doucement la fumée vers le ciel.
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Elspeth Whyte
Elspeth Whyte
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âge : 23 années pétries d'angoisses et de morosité.
statut marital : Seule comme la lune qui gravite autour de la Terre et de ses habitants.

métier : S'essaie à la création de comics, à la recherche d'une inspiration fragile et périodique.
carcasse : Elle s'imagine mortelle et l'est bel et bien, malgré les origines occultes de son père, inconnu.
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Mar 21 Avr - 13:42

date du rp ≈ 28 février 1982.
lieu du rp ≈ Dans la lande, avant la mer.

L'antre du poète
Il y a des instants comme ceux-ci qui bouleversent une existence, qui viennent apporter au réel une touche de magie, qui aident à s’extirper de la monotonie. La rencontre de ces âmes créatrices en fait partie. L’on n’aurait pas pu présager d’une proximité si forte entre leurs sentiments, ces deux funambules qui essaient de survivre sur le fil de l’existence, avec l’art comme seul horizon, comme seul objectif. Il et elle tentent de se soustraire aux impératifs mortels en créant. Ils n’y croient pas un seul instant, à leur génie, et c’est bien cela qui les rapproche également ; cette innocence nichée au sein de deux cœurs grisâtres, de deux âmes meurtries. Le contact qui se produit entre leurs iris donnent à voir l’autre, son vrai visage, une porte s’entrouvre vers une vie de secret nichée dans le fond de leurs âmes, comme de vieilles malles remisées dans un grenier. Ainsi communiquent-ils, au-delà des mots et des paroles, au-delà des gestes inutiles, il ne leur faudra que le regard pour s’apprivoiser, que leurs yeux pour se conter à l’autre.

Elle a tant erré sur cette île et sans jamais le croiser, la coïncidence la touche et la perturbe, aussi, car qui eut pu croire un seul instant qu’un alter ego parcourait les mêmes chemins qu’elle, s’asseyait dans les mêmes coins de mousse, au bord des mêmes ruisseaux, dans les mêmes prés ? Elle n’est pas seule à Selkirk, pas la seule à traîner sa carcasse sur les chemins insulaires, pas la seule à parcourir autant le papier que les kilomètres sablonneux de ce rivage. Mais l’heure n’est pas à la réalisation de ce qu’ils ont perdu dans leurs guerres vaines, alors qu’ils étaient semblables ; non, l’heure est à l’apprentissage et c’est tout ouïe et silencieuse qu’Elspeth apprend Hector et l’écoute lui parler de ces paysages qu’elle a tant observés, épluchés dans leurs moindres détails.

Et elle répond elle aussi et sa voix douce et dure à la fois jette dans l’air les notes de son art, si moderne et si tranchant, qui n’a rien à voir avec l’ici, ni le maintenant. Car elle dessine des folies, Elspeth, elle écrit des ailleurs fous, tellement éloignés de sa pauvre vie lugubre qu’elle craint parfois de ne pas en saisir la vérité. Elle ne saurait dire pourquoi cet art et pas un autre, pourquoi c’est la bande-dessinée qui a retenue son attention ou comment elle s’y est essayée pour la première fois… Mysterious Girl est née dans un coin de son esprit bercé par les aventures de Spiderman, Captain America et les autres, une femme forte et indépendante, sauvant Londres des malheurs qui la guettent. Elle ne se considère pas pour autant comme une autrice, elle ne sait pas si elle a gagné le droit de se faire appeler ainsi, de se laisser dénommer comme ceux qu’elle admire tant…
« - Oh merci, ce n’est vraiment rien tu sais, juste des dessins et des bulles de texte, globalement. » Elle ne sait pas reconnaitre les attentions de l’autre ni ses compliments, elle ne connait que ceux de Zach et de sa famille, avec eux, tout est naturel. Elle sert contre elle le petit carnet qu’elle tient dans sa main et qui contient ses dessins, quelques planches et d’autres esquisses plus traditionnelles.
« - Il m’arrive aussi de dessiner des paysages, autre choses, ça dépend de mon inspiration du moment. »

Elle fume une nouvelle fois sa cigarette, tant pour se donner de la contenance que par besoin de ressentir ce petit chaud sur ses lèvres, attendant la réponse sur ce qui fait la singularité d’Hector, l’art qu’il produit. Et son idée s’était révélée vraie, il s’agit bien de mots qu’elle a entraperçu sur les feuilles du jeune homme. Hector Desmond est un poète, et finalement, maintenant qu’elle l’entend, elle se rend compte qu’il en a la carrure et l’attitude, même s’il s’emploie à la cacher derrière l’aspect solaire qu’il entretient. Et pourtant, il est tout aussi obscur qu’elle, traversé par la nuit, de part en part, il se soumet à l’obscurité de ces inspirations.
« - Tu écris sur ici ? » Elle ne peut s’empêcher de ressentir cette curiosité qui l’habite sur la création du Desmond.
« - Désolée si c’est trop personnel. »
Elle se dit ensuite qu’elle pourrait essayer de marchander pour satisfaire sa curiosité, celle qui l’a amenée en premier lieu.
« - Si tu veux, je te montre un dessin que j’ai là, une planche de mon comics, et toi tu me montres un texte ? » Elle ne sait pas pourquoi quelqu’un voudrait voir ce qu’elle dessine et écrit, mais peut-être que cela pourrait l’intéresser, lui, qui lui semble si pareil à elle ?
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Hector Desmond
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On monte. Quelle est donc cette aube ? C’est la tombe."

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Sam 2 Mai - 16:59

date du rp ≈ 28 février 1982
lieu du rp ≈ dans la lande, avant la mer

l'antre du poète


Hector — Elspeth

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Hector et Elspeth sont assis au cœur du gigantesque. Faibles, froides, filiformes silhouettes soufflées par l'haleine contondante du vent – vêtements qui claquent au rythme cassant de la brise, chairs exposées où serpentent des frissons irrépressibles. Selkirk se joue d'eux aujourd'hui encore ; autour d'eux, la lande interminable, délavée, décatie, qui veut les perdre dans son insipide immensité ; loin devant eux, l'azur assombri des flots, la mâchoire écumante d'une mer tressautant au gré des vents ; au-dessus d'eux, l'universalité d'un ciel grisonnant. Selkirk est un microcosme pour qui a l'art au coin de l’œil. Les recoins de l'île renferment des secrets qui se dérobent aux regards las et aux inspections de surface, des instants que la voix seule ne peut saisir – des éclats de vie qui ne prennent couleur que sous une plume ou un pinceau, des fragments d'art. Alors ils se noient, les artistes, au creux des sentiers rudes, parfois à peine tracés – leur foulée décidée imprime sa marque sur la terre désolée tandis qu'ils s'efforcent d'appréhender l'essence même du lieu, de graver les linéaments des tableaux qui s'offrent à eux. Il leur faudra refaire la courbe des agitations de la mer, les nuées diaphanes qui ondulent au cœur des cieux, l'ocre pâle de la lande sablonneuse, et, surtout, le caractère profondément étrange de l'endroit, commun à toute l'île. Il y a une noirceur abyssale, quelque chose d'insondable et de ténébreux, qui suinte de l'île comme un poison suinte de crochets reptiliens. C'est indissociable de Selkirk – elle est intrinsèquement énigmatique, l'île, lugubre par essence ; son insaisissable singularité avoisine le funèbre.

Et c'est cette essence si particulière, qui, faisant naître au cœur des artistes une inéluctable attraction, n'a pas manqué de faire vaciller la placidité d'Hector. Lui qui aime à se proclamer poète tranquille, à se targuer de produire une poésie de la quiétude, du calme, une poésie lénifiante se sait, sinon menteur, bien naïf – impossible, à qui est poète, à qui est artiste, de se penser résistant à l'aura de Selkirk ; et se penser épargné, c'est se faire dévorer une seconde fois, c'est s'envelopper d'illusions vouées à voler en éclats. La vérité émergera des abysses, ceinte de ténèbres et de monstruosités – la vérité pourfendra ses veules chimères, et, au fond de lui, il le sait, Hector. C'est son mystérieux carnet noir qui, d'ailleurs, accueille les terreurs de ses viscères, ce qui fêle son âme et mollir son cœur, un peu trop peut-être – mais cette tendresse dans la morosité, cette exubérance paradoxale, un peu noire, taciturne est ce qui fait sa singularité, à la fois en tant qu'homme et qu'artiste. Dévoilera-t-il un jour ce carnet, et les béances qui y gémissent ? La part de lui qui halète, agonisante, le flanc ouvert et sanguinolent, voudrait s'ouvrir à l'altérité, quelle qu'elle soit, déverser ne serait-ce qu'une gouttelette dérisoire de son mal hors de son cœur lacéré, tandis que l'autre, la part du Soleil, la part des tendresses et des sollicitudes, se refuse à jeter sur quelqu'un d'autre la noirceur de ses tourments. Hector, c'est un tiraillement permanent, une dualité en duel perpétuel – c'est chercher le compromis qui ne blessera que légèrement, c'est une quête permanente du consensuel.

En cet instant, alors qu'Elspeth vient de lui faire la proposition d'une sorte d'échange de créations artistiques, ce sont ces incertitudes-là qui pèsent sur son esprit. C'est qu'il a vu, au fond des yeux de la jeune femme, la même fièvre qui lui fouette les sangs, qui lui perfore le cœur, qui suffoque son âme – le même mal qui a refermé ses mâchoires autour de la silhouette malingre ; et lorsqu'il la contemple, il voit quelque chose de lui, une âme en laquelle, il le sent, pourraient résonner les hurlements de détresse contenus au creux de ces pages malmenées. Alors il hésite, le jeune poète, il envisage les deux alternatives, leurs incidences respectives, ce qui pourrait s'en suivre... Dans le même temps, il s'efforce de donner suite à la discussion qui s'est établie entre les deux graines d'artistes, cette discussion un peu banale au premier abord, avec toutefois la fragilité des premiers mots, des premiers contacts – une timidité qui vient de se jouer d'une décennie de préjugés et de froideur, avec la touche d'humilité de créateurs trop jeunes et trop vacillants encore. Deux artistes qui plient sous les assauts de la vie, roseaux un peu meurtris, que craquelle un désenchantement précoce de l'existence qu'ils seront voués à mener. Alors il reprend, Hector, ravive la braise, il la veut inextinguible, éternelle :
– Je trouve quand même ça impressionnant, moi je sais que j'en serais incapable...
Sa curiosité s'en trouve davantage attisée – le fascinent d'autant plus les arts qui lui sont inaccessibles. Il hoche la tête lorsque la jeune femme évoque la diversité de ses inspirations et les œuvres, apparemment très différentes, qui en découlent – cela aussi, il connaît...

La discussion s'est alors orientée vers ses créations à lui – il fait un geste rassurant de la main en direction d'Elspeth, tout en poursuivant :
– Oh non, t'en fais pas – et puis je viens de te poser une question similaire donc c'est tout à fait normal que j'y réponde.
Reprenant une bouffée, il laisse la fumée s'étaler au fond de sa gorge avant d'en exhaler une partie – volute évanescent, gris-cigarette sur gris céleste. Il le trouve bien lumineux aujourd'hui, le ciel, au point qu'il lui est difficile de le considérer plus de quelques secondes. Il baisse donc les yeux sur la mousse qui l'accueille présentement, avant de répondre :
– Hm... je dirais que ça dépend... J'écris sur ici mais pas que – Selkirk est un peu mon point de départ, j'erre un peu et puis j'écris sur là où me mènent mes errances, mais ça peut être n'importe quoi, au point qu'au final ça peut paraître tout à fait impossible d'imaginer qu'au départ je pensais à ici. Donc finalement j'écris vraiment sur à peu près tout, mais c'est vrai que l'île m'aide quasi-toujours à le faire, même quand le sujet n'a rien à voir avec elle.
Hector est conscient du caractère quelque peu chaotique de sa réponse – il lui a toujours été particulièrement ardu d'entrer dans des considérations plus théoriques concernant le processus de création poétique qui est le sien ; à cette difficulté originelle s'ajoute la rareté, voire même l'inexistence de conversations lui permettant de se prêter à cet exercice. Un peu embarrassé, il jette rapidement, détournant le regard :
– Désolé, c'est un peu confus –  j'ai pas trop l'habitude d'en parler...

Le moment est désormais venu de donner suite à la proposition faite par Elspeth... Le regard incliné vers le sol, il plonge une main dans son sac – tâtonnant, il ne tarde pas à sentir sous ses doigts les surfaces de ses deux carnets. La chaleur d'un cuir rassurant, dont il aperçoit la surface claire, nette, familière ; et l'autre, dont il sent la rêche noirceur au bout de ses doigts – une couverture abîmée, que maculent de vieilles taches de sang séché qu'il n'a jamais pu, pour une raison qui lui reste encore tout à fait inconnue, effacer. Le carnet clair, le noir, les deux ? Lui laisser le choix ? Se découvrir, au risque de le regretter, au risque d'être jugé ? Les yeux plissés, tout au silence pesant de sa réflexion, son hésitation se fait plus intense encore... Tandis qu'il oriente son regard en direction de son interlocutrice, dans l'optique de lui répondre, c'est alors comme une apparition – aux côtés du visage désormais familier de la jeune femme, il voit celui de Zachariah ; il avait oublié leur inégalable proximité, l'espace d'un instant, tout à l'intérêt qu'il portait à leur discussion – s'il montrait à Elspeth le carnet noir, n'y aurait-il pas un risque qu'elle l'évoque avec son meilleur ami ? Et la haine, incendie implacable au fond du Loganach, ne s'en trouverait-elle pas renforcée, attisée, avivée ? Aurait-il sur les lèvres un rictus, le triomphe goguenard de celui qui découvre une faiblesse à sa Némésis ? Trouverait-il un quelconque plaisir à le moquer, à tourner ses tourments en ridicule ? L'idée lui serre le cœur, bien plus qu'il ne l'aurait pensé... Alors, il change la teneur la réponse qu'il allait lui faire :
– D'accord, ça me va ! Est-ce que tu voudrais lire sur quelque chose en particulier ? Y a pas mal de trucs différents dans ce carnet...
Hector extirpe le carnet clair de son sac, laissant l'autre conserver le secret de ses pourritures entre ses pages usées – ce n'est pas tant un manque de confiance en Elspeth qu'une douleur inéluctable à l'éventualité de Zachariah se servant de ce qu'il aurait découvert pour le blesser ; il ne peut pas prendre le risque – il y a déjà bien trop de lézardes au fond de lui.
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Elspeth Whyte
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Mer 6 Mai - 18:38

date du rp ≈ 28 février 1982.
lieu du rp ≈ Dans la lande, avant la mer.

L'antre du poète
Le vent agite les herbes du littoral en tout sens, emmêle les cheveux des deux jeunes artistes qui apprennent à se connaitre. Ils se découvrent, au-delà des apparences, semblables, poursuivant le même but, le même objectif artistique. Leur créativité prend une forme qui est propre à chacun certes, mais elle prend ses origines à la même source dans leurs âmes. Il faut ce quelque chose de tortueux, d’abrupt en chacun pour créer. L’on n’imagine rien dans la quiétude d’un esprit lisse, l’on ne crée qu’à partir de la souffrance, et cela est vrai pour ces deux-là même s’ils peinent certainement à l’imaginer ; à l’accepter.

Cela fait bien longtemps que les ombres ont envahi son esprit, que la nuit y règne sans partage et que la tristesse est son lot quotidien. Elspeth ne se rappelle que peu des primes innocences de son enfance, avant que tout ne se déclenche, que sa mère échappe à la réalité pour de bon et qu’elle se part de ses atours de silence et de folie obscure. Les affres monstrueuses qui ont pris possession de Mary Whyte ont aussi enveloppé le cœur d’Elspeth, et lui ont enlevé cette naïveté candide en la remplaçant par ce vide insondable, profond et misérable. Elle ne la maîtrise pas, sa dépression, elle ne s’en sépare pas non plus. Elles sont comparses depuis des années, et rien ne semble pouvoir scinder ce duo de choc, pas même l’âge avançant de la jeune fille. Et si elle puise dans cet abime de noirceur pour dessiner et écrire, ce qu’elle produit relève de la lumière de l’espoir. Et c’est bien cela qui la pousse à continuer dans cette direction.

Elle acquiesce aux mots d’Hector, quand il lui explique écrire sur ici, mais pas vraiment. Elle comprend ce sentiment, elle sait aussi utiliser les reliefs mornes de l’île à l’avantage de ses histoires de super-héros. Un ruisseau forestier lui rappellera la Tamise londonienne, et la côte grise de la mer du nord deviendra celle de craie blanche du sud de l’Angleterre. Les visages durs et gris des iliens deviennent somptueux et dorés, et les maisons ensablées et pleines de poussière et de lierre robuste, prennent l’aspect du centre de la capitale anglaise. C’est ainsi qu’elle écrit, sur l’inverse de sa vie, sur son opposé absolu, Londres et Selkirk, Mysterious Girl et elle : un alter ego a contrario.

« - Je vois ce que tu veux dire, et puis, on dit qu’on écrit sur ce que l’on connait, non ? » c’est un adage connu qu’elle cite ainsi, elle ne sait pas réellement qui a eu l’idée d’énoncer ce principe immuable du processus de création artistique. « Peu importe ce que je dessine, y a toujours un peu de Selkirk, un peu de moi dans tout ça. Même si j’en suis pas forcément consciente… » Elle a mis un certain temps avant de trouver les similitudes entre ses personnages et sa vie sur cette île, mais elle lui saute à présent aux yeux et Elspeth ne cherche pas à l’éviter : cela fait partie de la catharsis de l’art.

Elle arrive au bout de sa cigarette et écrase le mégot dans le sable avant de s’en débarrasser, proposant alors un échange de bons procédés : elle lui montre ce qu’elle dessine et lui fait part de ses poèmes. Elle ne peut que remarquer l’incertitude et l’embarras d’Hector alors qu’il fouille son sac. Elle lui tend alors son propre carnet de dessin qui regroupe les différentes planches de son comics qu’elle a dessiné ces dernières semaines. Tout est un petit peu en désordre et cela fait si longtemps qu’elle écrit cette histoire, elle ne sait même plus réellement à quel tome, quel chapitre elle en est… S’il y a bien une chose pour laquelle elle est méticuleuse, c’est son art, elle classe, archive, annote, relit, corrige autant que possible, sa détermination est sans faille, malgré que sa confiance en elle quasi-inexistante ne la porte pas à proposer son travail à une quelconque maison d’édition… Elle est coincée ici, de toute façon.
Finalement, Hector finit par lui passer un carnet à la couverture claire, en lui demandant ce qu’elle voudrait lire.
« - Peu importe, ce que tu veux bien me montrer. Ou choisis au hasard ! »

Elle pointe du doigt son propre carnet en lui disant :
« - Alors j’écris cette histoire depuis des années maintenant, donc si tu comprends pas trop l’intrigue c’est normal… Mais… c’est dans l’ordre chronologique suivant les pages normalement, et fais gaffe, y a des feuilles volantes. On dirait pas comme ça mais c’est bien organisé… » Elle se sent mise à nue à donner à voir ainsi ce qu’elle a de plus précieux à une personne qu’elle considérait il y a quelques instants de cela comme un inconnu qu’elle ne portait pas tellement dans son cœur…

Zachariah lui en voudrait tellement s'il assistait à cette scène, lui qui est le seul à réellement suivre les histoires de son personnage depuis si longtemps maintenant, lui qui déteste tant Hector Desmond… Elle a l’impression de le trahir, de collaborer avec l’ennemi. Cela dit, elle espère pouvoir lui faire entendre raison, cette haine a assez duré et prend des tournures malsaines qu’elle ne peut plus nier.
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Hector Desmond
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Dim 10 Mai - 18:12

date du rp ≈ 28 février 1982
lieu du rp ≈ dans la lande, avant la mer

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Hector — Elspeth

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La conversation qu'il mène avec Elspeth a pris des profondeurs insoupçonnées – Hector ne s'imaginait pas, lorsqu'il a vu la frêle silhouette de la jeune femme s'approcher de lui, qu'elle allait tourner ainsi. C'est à sa grande stupéfaction qu'il a découvert ce qui la construit, sa singularité d'abord humaine, puis artistique. Rares, voire inexistantes, sont les discussions si intenses, dans sa petite existence à Selkirk – les mots vont rarement au-delà du trivial et de l'immédiateté d'une existence insipide, dépassant encore plus rarement le stade des politesses et des formules de convenance. Mener pareille conversation stimule son appétit littéraire et son imagination créatrice – qui eût cru que parler d'art pût l'engendrer à son tour, cet art ? Il sent , le poète, qu'à l'issue de cette conversation auront germé des idées, des monuments de mots, des architectures versifiées, des rimes en cités souterraines, ne demandant qu'à émerger à la surface. Et il espère de tout cœur que la réciproque est vraie, que son interlocutrice ressent la même satisfaction à évoquer ses créations avec quelqu'un qui sait les aléas et les errances d'un tel processus, d'une activité si imprévisible, aux paramètres si difficilement modifiables – car il y a cela, en l'art : il y a quelque chose qui relève de l'inaccessible, d'une transcendance, diraient certains ; des mots divins aux bouches d'élus humains, avait théorisé un certain Platon – et Hector, pour qui les coïncidences n'existent pas, veut parfois y croire, dans un élan d'orgueil, hypertrophie provisoire d'un ego habituellement si modeste voire invisible – il veut croire à l'idée d'une élection divine, pour combler aussi ce qui, en lui, voudrait se déchirer à jamais, ce qui embrase son intériorité de cet incendie incontrôlable de haine, une haine auto-centrée avec pour terrible projet son propre anéantissement.

Pour oublier cette agressivité qui le secoue dès qu'il se retrouve seul avec lui-même, il essaie de se fuir, le Desmond, et l'écriture est son plus fidèle exutoire – il sombre dans un abysse salvateur, à la douceur mystérieuse et inimitable ; il se plaît à faire se côtoyer les mots, à créer entre eux des liens, des connexions auxquelles les conventions du langage et des conversations sociales n'auraient pas pensé ; c'est qu'il aime les affections improbables, les liaisons qui semblent étranges au premier abord, les duos apparemment mal assortis qui se révèlent parfaitement faits l'un pour l'autre. Il se rappelle souvent cette phrase, qu'il a croisée pendant l'une de ses lectures théoriques sur la poésie, et qui figure parmi celles qui rendent le mieux compte de ce qu'elle représente pour lui : « La poésie est une salve contre l'habitude ». C'est Henri Pichette, poète français qu'il ne connaissait pas avant de lire cette phrase, qui a su, selon lui, si parfaitement résumer ce qui fait l'essence de ce genre littéraire – cette volonté de libérer les mots de la geôle des usages, triviaux et éculés, qui les ternissent et les aliènent à une prison sémantique limitée, à des colocations prosaïques et sans beauté – métaphores figées qu'il faut faire se mouvoir à nouveau. Voilà ce qui fait la poésie d'après Hector – et voilà ce qu'il veut faire partager d'elle ; il est vrai que le genre poétique est souvent, dans l'imaginaire collectif, associé à un certain élitisme, voire à quelque chose de suffisant, arrogance d'egos aux dimensions indécentes qui se plaisent à produire de l'hermétique, des hybrides incompréhensibles, usant de mots abscons et de tournures sibyllines.

C'est aussi cette idée préconçue qu'Hecteur veut réfuter – il est vrai qu'à mesure que s'élargissait son vocabulaire, grâce à ses nombreuses lectures, parfois très différentes les unes des autres, la tentation lui est venue de se complaire dans l'emploi de termes obscurs, que n'utilisent que rarement même les littérateurs les plus aguerris, passés en désuétude. Il a voulu exposer à tous ce qui lui semblait relever d'une supériorité rhétorique, dans une sorte d'exhibition égocentrique de la richesse de son vocabulaire – fort heureusement, il a fini par dépasser complètement cette phase de son évolution en tant qu'artiste, et il se félicite d'avoir oublié ces conceptions élitistes, affreuses de condescendance et de pédantisme. Bien plus que de l'élitisme, la poésie, comme la littérature, comme l'art de manière générale, relève de l'universalité, du partage et de la connexion entre les cœurs. C'est ainsi qu'il la pense, sa poésie, c'est ainsi qu'il la veut. Et en cet instant, lorsqu'il constate qu'Elspeth comprend son ressenti d'artiste et le paradoxe de Selkirk, à la fois omniprésente, jusque dans les tréfonds de leur art et pourtant tant de fois invisible en tant que telle, il se dit qu'il y est parvenu, à approcher un peu plus sa conception de l'art de l'universel – c'est un petit sourire, et pourtant si grand de chaleur et de satisfaction, qui vient naître sur ses lèvres.
– Oui, c'est pareil pour moi... Souvent, je m'en rends compte quand je me relis, je me revois en train d'écrire et de prendre presque inconsciemment mon inspiration dans ce qui m'entoure. Ça fait toujours un peu bizarre de voir qu'on a absorbé quelque chose pour le faire surgir dans ce qu'on crée sans même s'en rendre vraiment compte...

Lorsque Elspeth lui tend son carnet, il le saisit prudemment, à la fois curieux et un peu fasciné – hochant la tête aux explications que lui fournit la jeune femme, il la rassure :
– J'imagine, tu as l'air d'y avoir passé énormément de temps... Je fais attention ne t'en fais pas.
Avec une méticulosité très respectueuse, minutie presque déférente, ses yeux glissent sur les feuilles, se nourrissant des illustrations, de leur richesse, de l'application évidente qui a été celle de l'artiste à créer ce monde, à faire paraître sur le visage les variations émotionnelles, les mouvements de l'intériorité... Il en conçoit une admiration encore plus grande pour la jeune femme et sa capacité à produire une œuvre si profonde, si riche et si complète – ses poèmes lui paraissent bien dérisoires, bien ordinaires, d'une pauvreté indubitable, lorsqu'il les compare avec les planches d'Elspeth... Malgré tout, il reprend son carnet clair des mains de cette dernière et l'ouvre de manière aléatoire, comme elle le lui a suggéré, jetant un coup d’œil à la page sur laquelle le hasard a porté son choix. Un peu embarrassé, il lui tend à nouveau le carnet :
– Bon, je sais que ça paraît un peu mince par rapport à ce que tu fais, mais... voilà. C'est un peu court du coup, enfin. Bref. Voilà.
Tandis qu'il la voit parcourir la page des yeux, Hector se replonge dans la contemplation du travail de celle en qui il vient de découvrir une amie, une compagnie artistique, un pendant créateur. Plus il porte d'attention aux planches, plus il est impressionné – lui qui n'a qu'une médiocre, au bas mot, capacité à l'illustration, se trouve émerveillé devant la diversité et la richesse des dessins, avec un enthousiasme presque enfantin ; et il ne peut s'empêcher de faire partager son emballement :
– Je trouve ça vraiment incroyable ! Tu vas te dire que j'exagère mais j'ai jamais rencontré d'auteur de comics, du coup c'est super intéressant de pouvoir voir des planches originelles. Ça doit te mettre super longtemps à faire, non ?
Volubilité soudaine, qui lui vient bien sûr d'une admiration véritable, mais aussi d'une certaine angoisse quant au regard que ne manquera pas de porter Elspeth sur son poème – il craint la déception gênée, le sourire un peu crispé ; lui qui a appris à lire en les gens avec cette aisance exceptionnelle voudrait renoncer à cette aptitude – il ne veut pas voir dans ces yeux nouvellement éclairés quelque lueur qui minerait leur amitié en construction...

Quand s'éteint l'horizon:
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Elspeth Whyte
Elspeth Whyte
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âge : 23 années pétries d'angoisses et de morosité.
statut marital : Seule comme la lune qui gravite autour de la Terre et de ses habitants.

métier : S'essaie à la création de comics, à la recherche d'une inspiration fragile et périodique.
carcasse : Elle s'imagine mortelle et l'est bel et bien, malgré les origines occultes de son père, inconnu.
damnation : La main noire : elle ferait mourir la plus résistante des plantes.

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cthulhu fhtagn
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Sam 16 Mai - 23:45

date du rp ≈ 28 février 1982.
lieu du rp ≈ Dans la lande, avant la mer.

L'antre du poète
Comment est arrivée Mysterious Girl dans la tête torturée d’Elspeth Whyte ? Cet esprit flétri, cette imagination morbide qui transparaissait dans ses premiers dessins ne laissaient rien penser de la nature si solaire du personnage qu’elle viendrait un jour à créer. Et pourtant, elle devait avoir dix-sept ans quand cette histoire a commencé à germer, elle enchainait alors les comics et se rêvait en autrice ou dessinatrice, oh bien sûr, la tristesse et la dépression, tout était déjà là, bien installées au creux des jours de la jeune fille ; mais il persistait autre chose… Un petit espoir, un tout petit soleil, et cette lumière ténue devint l’héroïne dont Elspeth invente les aventures depuis des années… Des carnets, des porte-documents, une quantité astronomique de croquis sont à son effigie ou à celle de l’univers londonien dans lequel elle évolue. L’îlienne ne connait rien de tout ça, elle n’a jamais quitté son petit monde, cette île à la surface si ridicule par rapport à la capitale, et pourtant, elle ne se lasse pas d’essayer de représenter ces décors de carte postale ou de livres d’images dans ses planches. Elle invente à son personnage une vie trépidante de lycéenne modèle le jour et de vengeresse masquée la nuit. Elle est drôle aussi, même si sa vie relève d’un certain dramatique, orpheline de ses parents, élevée par ses aïeuls dans une petite maison de la banlieue de Londres, elle a eu son lot de malheur. Mais la résilience de l’héroïne de papier est sans borne et Elspeth l’envie tant pour cela, elle souhaiterait tant mettre ses problèmes derrière elle, avancer et quitter l’île, peut-être suggérer son histoire à des éditeurs ? Elle est bien loin de ces considérations et reste coincée avec ses rêves et ses histoires.

Son cœur tambourine dans sa poitrine, elle est anxieuse de montrer le fruit de son travail à Hector, elle le connait réellement depuis quelques minutes et pourtant, elle lui fait assez confiance pour le laisser toucher à son carnet. Mais il le fait avec respect, tournant les pages méticuleusement et cela rassure la jeune fille. Elle le laisse regarder son art, scrute les émotions sur son visage mais elle n’a jamais été bonne pour cela. Ainsi préfère-t-elle attendre son verdict, une appréciation quelconque qui lui permette de connaitre son avis. Car jusqu’à présent, les seuls destinataires de son art ne furent que des proches, des personnes qui ne sauraient pas critiquer la chose la plus chère aux yeux de leur amie, ou de leur petite-fille. Cela dit, elle se doute que Elspeth la vieille et Clyde regardent ses dessins comme on observe ceux d’une enfant qu’on apprécie, même encore maintenant et qu’ils préféreraient qu’elle cherche un véritable emploi plutôt qu’elle ne s’accroche à ses espoirs fous d’édition. Une critique de la part d’Hector lui serait très utile, ne serait-ce qu’à savoir si elle peut tout brûler ce soir ou si ce qu’elle fait depuis tout ce temps a un réel sens.
« - T’en penses quoi ? » demande-t-elle finalement en se frottant les mains, anxieuse.

Finalement, Hector lui tend son carnet à une page qu’il a choisit aléatoirement et la jeune fille se plonge dans la lecture du poème. Elle est immédiatement touchée par le rythme des vers, le choix des mots aussi. Elle n’en sait pas grand-chose de la poésie, mais à partir de ce qu’elle a lu, elle peut juger qu’il s’agit là d’un travail de qualité !

« - C’est pas mince, Hector. C’est vraiment très beau. Ca m’évoque beaucoup de choses. » Elle est touchée la jeune fille, touchée de rentrer en contact avec une si belle âme, déçue d’avoir laissé ses préjugés l’empêcher de rencontrer réellement celui qu’elle croise depuis toujours.

Elle lui rend le carnet et répond à sa question au sujet de ses planches :
« - Je me considère pas vraiment comme autrice encore, je suis pas sûre d’en mériter le titre. Mais oui, je fais beaucoup de croquis pour préparer les scènes, j’ai une frise chronologique à suivre et tout, mais j’adore vraiment faire ça. Quand je commence, j’ai vraiment du mal à m’arrêter. Ca m’arrive de presque pas dormir pendant plusieurs jours pour dessiner parfois. »
Elle ne comprends pas pourquoi elle lui dit ça, mais elle place une confiance presque immédiate en Hector.

« - Et toi ? Tu prépares ou tu écris tout de suite ce qui te vient ? J’ose même pas imaginer le temps qu’il me faudrait pour trouver des rimes, soigner le rythme comme tu le fais… » Elle n’en revient pas du talent du jeune homme.

Véritable émulsion créative sous le soleil pâle de Selkirk.
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Hector Desmond
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On monte. Quelle est donc cette aube ? C’est la tombe."

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Dim 17 Mai - 16:57

date du rp ≈ 28 février 1982
lieu du rp ≈ dans la lande, avant la mer

l'antre du poète


Hector — Elspeth

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Hector peut les compter sur les doigts, celles et ceux qui ont pu poser les yeux sur sa poésie, pour lesquels il a poussé la lourde porte de son intériorité – confiance accordée généralement après une fréquentation assidue et une proximité bien singulière qui ne saurait résulter que d'un lien profond et véritable. C'est le temps qui, dans la plupart des cas, forge ce lien et lui confère une solidité sans pareil, douceur indestructible d'une soie presque arachnéenne. Il lui faut du temps pour croire en l'autre, au poète, du temps pour croire qu'iel aura les épaules pour lui, qu'iel saura endurer les ravages de l'incendie qui s'agite tout au fond de lui. S'il adresse à tous, presque invariablement, une mine affable, un sourire des plus chaleureux et qu'il semble se lier à vous dès la première rencontre, il n'en est rien – la plupart de ses interactions sociales ne dépassent jamais le stade d'une connaissance de surface, n'iront jamais plus loin qu'une politesse teintée d'amabilité, du moins pour ce qui est d'Hector. Car il est vrai que la façade doucement amicale qu'il affiche semble inviter les autres à se livrer à lui, à lui faire des confidences, à l'inclure dans leurs profondeurs les plus secrètes. Et il les écoute, le poète, patiemment, il leur accorde une attention des plus sincères, les gratifiant çà et là, à mesure des récits, des anecdotes et des souvenirs, d'un petit sourire encourageant, d'un hochement de tête intéressé, retenant son souffle lorsque la situation s'y prête, renchérissant lorsque cela s'impose.

Telle est la majorité des relations d'Hector – une unilatéralité qui lui est douloureuse autant qu'elle lui est salutaire ; il se rend bien compte qu'ainsi, il se protège, renfermant au fond de lui ses noirceurs et ses tourments – il doit poursuivre ainsi, s'il veut échapper aux affres des trahisons qui sont intrinsèques aux liens sociaux et conserver l'inconnu de ses tréfonds, il le doit, oui, mais il en souffre chaque jour. Il regarde les autres s'agiter sous ses yeux, s'unir puis se déchirer, se tendre la main puis l'employer à se frapper – il les voit tisser des liens qu'il sait à l'opposé de ceux qu'il a pris soin d'établir avec eux. Ils ont au fond du regard cette intensité, de celles qui piquent les iris sincères de quelqu'un qui se donne ; cette lumière véritable, d'une pureté qui a quelque chose de virginal – cette lumière qui ne viendra pas faire luire les prunelles d'Hector tant qu'il ne se découvrira pas aux autres. Cette lumière qu'il voit passer d'un être à l'autre, avec, accrochée au palais, une âpreté envieuse, presque jalouse – férocité de ce qui, en lui, veut ce partage désintéressé, cet abandon de soi. Comme il voudrait, lui aussi, se défaire du fardeau de ses secrets, de ses douleurs – leur pesanteur est insupportable à ses épaules frêles de jeune homme démuni, qui trouve dans le repli de soi son unique solution. Comme il voudrait pouvoir se voir adresser un sourire véritable, une main imprégnée de chaleur et d'attention, le feu tranquille et lénifiant d'une étreinte, toute brève, toute gênée qu'elle soit... Mais il s'est juré le secret et la solitude, alors il rejoue chaque jour la même pièce, le même drame qui s'ignore – tragique désespéré de cet extraverti qui ne s'extériorise pas.

Pourtant, aujourd'hui, alors qu'il a tendu à Elspeth son carnet, lui offrant ses mots et sa poésie, il sent crépiter en lui quelque chose de nouveau, une sorte d'impatience piquetée d'anxiété. Et il en voit la réciproque, en la jeune femme – ce sont ses mains un peu tremblantes, tandis qu'elle se saisit de son carnet ; c'est de l'angoisse, qui rampe au creux des iris sombres alors qu'elle lui demande son opinion au sujet de ses planches. Alors, Hector s'empresse de lui communiquer son enthousiasme, dans tout ce qu'il a de vrai et d'intense – cette précipitation presque paniquée à l'idée de dévoiler son art, il la connaît tellement bien...
– Je suis vraiment impressionné ! Je trouve ça vraiment passionnant, j'ai envie de m'attarder sur chaque illustration... Tu sais, je vois une poésie dans tes planches, quelque chose d'unique et de particulier, quelque chose qui n'est qu'à toi et qui constitue ton univers...
Aux côtés de la jeune femme, il sent qu'il peut se laisser aller à des digressions artistiques un peu vagues, à des considérations quasi-théoriques concernant la création et ses processus – il sent qu'il ne sera pas moqué ni méprisé, et qu'il peut dérouler la complexité presque énigmatiques de ses réflexions, peut-être trop abstraites et trop déconnectées pour ce monde, au fond ; le fait est qu'il a trouvé quelqu'un avec qui partager ce qui fait de lui l'artiste qu'il tente de bâtir un jour après l'autre ; il peut exposer l'artiste, le poète en lui, enfin ! Il y a quelque chose d'enivrant à cet abandon tant redouté, secrètement convoité – euphorie presque extatique que celle qui se glisse en son cœur alors qu'il apprécie à leur juste valeur les remarques impressionnées que lui a fait Elspeth.
– Oh, vraiment ? Je – ça me fait vraiment très plaisir, merci beaucoup ! C'est un beau compliment, je suis très content si ça te parle !

Il ne peut s'empêcher de sourire tandis que la jeune femme lui narre ses sessions d'illustration – il se retrouve tout à fait dans cette espèce de fièvre créatrice, qui les pousse tous les deux à négliger le reste du monde, cette vague qui les submerge d'un bout à l'autre, ne laissant rien filtrer qu'une volonté presque frénétique de créer, de laisser s'esquisser au-dehors ce qui remue en dedans.
– Oui je comprends, moi aussi, quand je suis au milieu d'un poème au beau milieu de la nuit et qu'il faudrait que je dorme, c'est l'écriture qui l'emporte presque à chaque fois.
Il ne mentionne pas sa peur des crises de paralysie du sommeil, qui font sérieusement pencher la balance du côté de la nuit blanche, chaque fois que la situation se présente. A la place, il réagit aux doutes d'Elspeth concernant son statut d'artiste et d'autrice :
– Pour ma part, je pense que tu es autant autrice que quelqu'un qui serait publié, mais je comprends, j'ai du mal à me sentir légitime aussi...
Et toujours flotte en lui l'appréhension à l'idée de tenter la publication, de soumettre ses écrits à un regard étranger – il voit des hostilités qui n'existent pas, il se pense tour à tour médiocre et supérieur, et il finit par renoncer en se convaincant qu'il n'est pas encore prêt – il y a des années pourtant que ce schéma se reproduit dès lors qu'intervient le sujet de l'édition. Peut-être ce lien qui se tisse doucement entre Elspeth et lui leur permettra-t-il à tous les deux d'avancer en ce sens ? En attendant, il est ravi des questions que la jeune femme lui pose, interrogations pertinentes qui témoignent du caractère véritable de son intérêt pour sa poésie, et c'est avec grand plaisir qu'il tente d'y répondre :
– Eh bien, ça dépend... J'essaie de préparer de manière globale mais une fois que je commence à écrire, je suis comme emporté par les mots et souvent je dérive de ce que j'avais prévu parce que – ça va paraître un peu bizarre mais parce que les mots m'ont conduit autre part, avec leurs rimes, leurs nombres de syllabes...
Là encore, lui vient une citation, argument d'autorité qui, il en est sûr, lui permettra d'expliciter ses propos auprès de la jeune artiste :
– En fait, ça me fait penser à une citation d'un poète mexicain, Octavio Paz, il disait : « les hommes se servent des mots ; le poète les sert » et c'est exactement ça, c'est pour cette raison que je n'arrive jamais vraiment à préparer un poème. Ce sont les mots qui m'emportent où ils veulent.
Hector a toujours considéré cet aphorisme comme étant criant de vérité – à bien y réfléchir, il définit de manière incroyablement fidèle sa poésie et, lui semble-t-il, la poésie, le processus de création poétique de manière générale.
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Elspeth Whyte
Elspeth Whyte
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cthulhu fhtagn
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Lun 25 Mai - 22:52

Elle n’a pas un public fou, Elspeth, mais il y a bien quelques personnes qui se portent plus ou moins volontaires pour découvrir ses écrits avec plus ou moins d’enthousiasme. Ses plus fervents supporters sont bien entendu Zach et Elspeth la vieille, comme elle aime à l’appeler dans sa tête ; tandis que sa mère et Clyde sont un peu moins friands de ses élucubrations héroïques. Il est vrai que sa grand-mère s’extasie devant ses créations comme elle le ferait devant celles d’une enfant de six ans : d’aussi loin qu’elle s’en souvienne, l’aïeule a toujours réagi de la même façon devant les dessins d’Elspeth, et ce qu’elle ait cinq ou vingt ans… Mary n’est pas toujours disponible émotionnellement ou tout simplement pas réveillée pour prêter attention ne serait-ce qu’à la réalité, alors autant dire que lire un comic écrit par sa fille n’est pas sa priorité et de toute façon, Elspeth l’a bien compris et accepté depuis des années. Elle se rappelle encore des Noël et anniversaires où elle offrait à sa mère des quantités astronomiques de dessins, de peintures ou autre : elle récoltait un sourire pâle et une accolade maternelle, mais tout cela ne fait que se détériorer. Parfois, elle se demande réellement comment et pourquoi sa mère persiste à faire des efforts pour exister dans cette vie, dans leur réalité qui ne coïncide vraiment pas avec la sienne, pourrie qu’elle est par la chimie des drogues qu’elle a consommé bien trop tôt, bien trop durement ; assez pourrie pour en avoir même oublié parfois jusqu’à l’existence de sa propre fille ou en avoir nié la filiation… Alors, encore une fois, les dessins de Mysterious Girl ne sont vraiment pas sa priorité. Pour ce qui est de Clyde : il n’y prête attention que du coin de l’œil, entre deux articles de journaux qu’il ressasse toute la journée durant, une cigarette dans l’autre main. Il lui fait son petit sourire touchant de grand-père et il tapote son épaule : c’est là le maximum de l’appréciation et de la fierté qu’il peut lui témoigner. Il n’y a que Zach, finalement, pour comprendre ce que cela revêt comme importance dans le cœur tout maigre de la petite jeune femme. Il n’y a que lui qui saisisse le caractère de ces écrits, que lui pour croire en elle, à la possibilité d’être éditée un jour… Elle-même n’y croit pas cinq minutes. Mais les yeux d’Hector sur son art sont ceux d’un pair, d’un semblable et il y a là quelque chose d’incroyable et de précieux.

Elle rosit sous les compliments du poète, ne sachant que répondre et se contente de cogner ses genoux osseux ensemble pour se donner une contenance. Elle lui fait également des compliments, sincères, sur son travail et le poème qu’il lui a laissé lire. Ils partagent également leurs vécus et leurs doutes, ceux des heures nocturnes passées sur leurs œuvres et les questionnements sur leur légitimité et Elspeth entrevoit une note optimiste dans sa vie car le jeune homme est le deuxième à la considérer ainsi, à voir en son travail quelque chose qui ferait d’elle une autrice.

« - Qui eut cru qu’on avait tant en commun, si j’avais su je t’aurais parlé plus tôt.» Il y a presque du regret dans sa voix…

Elle renchérit, montrant qu’elle partage ses expériences, ses sentiments :
« - Mysterious Girl m’a conduite à écrire des trucs insensés parfois, c’est comme si c’était elle qui me les dictait, ces trucs insensés… C’est assez fou, mais elle a comme sa volonté propre ! » T’es totalement ravagée ma pauvre Elspeth, pense-t-elle, sûrement assez fort pour que cela s’entende dans ses paroles.

Elle acquiesce d’un air convaincu quand il lui récite la citation qui semble on ne peut plus vraie pour l’art poétique, d’autant plus pour celui d’Hector ! Néanmoins, il y a une ombre au tableau : le ciel qui se couvre, le soleil qui descend, les nuages s’amoncellent dans le ciel déjà gris lumineux de la fin de journée insulaire.

« - J’vais sûrement devoir plier bagage. » A ces mots, elle se lève et étire ses membres déjà fourbus.
« - Tu viens ou tu restes encore un peu ? » Elle ne sait à quoi s’attendre, et, au fond d’elle, elle espère ne pas croiser Zach si Hector décide de faire un bout de chemin avec elle, mais c’est un problème qu’elle tentera de régler plus tard…
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