date du rp ≈ 17 mars 1982.
lieu du rp ≈ Sur la plage.

date du rp ≈ 17 mars 1982
lieu du rp ≈ sur la plage

Trahison, disgrâce

Elspeth & Zach ☆ La douleur rebondit où elle tombe, non qu'elle soit vide et creuse, mais à cause de son poids.

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Il la connaît, la colère, Zachariah. Il a appris à vivre avec, à la porter en son sein comme si elle était indispensable à son organisme au même titre que ses poumons ou son cœur : c’est un organe chaud et vibrant, une part de lui-même inhérente à son existence. Lorsqu’elle explose, lorsqu’aux cris de rage s’additionnent les coups frénétiques et le goût du sang dans la bouche, il se sent désespérément vivant – car dans sa hargne il ressent trop, à racler la peau de ses ongles jusqu’à laisser de profondes écorchures, mais au moins, il ressent. Car rien n’est pire que le vide. Rien n’est pire que de laisser son esprit sombrer dans le néant éperdu de l’insignifiance, de l’apathie débilitante, de la futilité dévastatrice. Il a peur de ce brouillard qui rampe à la frontière de ses paupières, prêt à l’emporter s’il ne prend pas garde, et le feu de sa colère embrase l’obscurité qui le guette en un camaïeu pourpre, l’enfermant dans ce cercle infini de colère et de ressentiment.

Aujourd’hui, Zach est étrangement calme et c’en est diablement effrayant.

La bouche close, il ne fume pas, il ne boit pas, il se contente de regarder fixement l’horizon sans prendre le temps de discipliner ses cheveux qui retombent sans cesse sur ses yeux, sous l’effet du vent. Il a pleuré, beaucoup, ces derniers jours : mais la colère n’a pas repris le pas sur la tristesse, et voilà qu’il est arrivé, le vide, se glissant subrepticement dans sa psyché pour s’installer en lui comme en terrain conquis. Goût amer que la trahison, qui remue les entrailles dans un coup de couteau et une douleur aigue : le Loganach n’a rien dans sa vie, rien qu’Elspeth et sa colère, et voilà que perdre la première a fait s’échapper la deuxième. Car que dire, que faire ? S’énerver ne rimerait à rien, pire, ce pourrait être dangereux – elle est fragile, sa meilleure amie, et peu importe sa traîtrise, il ne se pardonnerait jamais s’il lui faisait du mal. Alors il se tait, alors le vide l’emporte.

Il aurait dû se douter, pourtant, qu’il ne pourrait pas échapper à la jeune fille bien longtemps. C’est petit, Selkirk, et il n’y a pas beaucoup d’endroits où aller : il ne peut pas rester chez lui, alors il continue son errance quotidienne en faisant mine que tout va bien dans le meilleur des mondes, ne se laissant aller à l’asthénie que derrière les rochers piquants de la côte, à l’abri des regards. Une pression sur son épaule, il ne sursaute même pas. Il la voit et son cœur se serre : parce qu’il se sent coupable, malgré tout, de l’abandonner alors qu’elle souffre, qu’elle est obligée de traîner son corps maigre à l’aide de béquilles inconfortables. Mais il ne peut pas lui pardonner, pas encore en tout cas, il n’en a pas la force. C’était la seule chose qui pouvait le blesser suffisamment pour qu’il s’échappe dans la solitude, lui, le gamin qui a peur de sa propre tour d’ivoire, des ombres qui y habitent. Une amitié avec Hector Desmond, une camaraderie cachée, clandestine. Une trahison qui efface l'entente tacite qui mettait une barrière entre lui, son petit monde en compagnie d'Elspeth, et sa Némésis, et qui le met face à ses propres paradoxes – car sa haine pour le poète n’est en rien raisonnable, il en a bien conscience, mais il ne peut s’y soustraire, comme il ne peut s'empêcher de respirer.

« - J’étais là, se contente-t-il de dire, le ton las, la voix basse, le visage fermé toujours tourné vers la mer. Y’a nulle part où aller d’autre de toute façon. »

Et c’est un fait indéniable, un regret qui les hante depuis leur plus tendre enfance : c’est ce qui les lie, en fait, la prison de pierre qu’est l’île sur laquelle ils ont grandis ensemble. Une mouette, qui vole au-dessus d’eux, les singe en riant, rejoignant le large d’un simple coup d’aile – elle, elle peut s’échapper. Zach ferme les yeux douloureusement. Il ne peut pas pleurer, il n’est pas seul. Il doit avoir l’air en colère, il doit tempêter et taper du pied, parce que c’est le rôle qu’il est censé jouer, même en face d’Elspeth, la seule personne qui l’a toujours accepté tel qu’il était sur cette planète qu’il honnit tant. Mais il est fatigué : le vide a pris le dessus, et il n’a pas la force de mettre son masque de rage sur son visage, alors, il se lève pour s’échapper.
Se refusant de jeter un œil derrière lui pour voir si Elspeth le suit, probablement difficilement, à cause du sable sous leur pied, il ne s’arrête pas, se contente d’avancer le long de la grève en se demandant ce qui peut bien le retenir dans ce monde, puisque la seule conviction qu’il portait au fond de son cœur s’est maintenant effondrée. Sa meilleure amie l’a trahi. Et le monde est soudainement noir et blanc.

Codage par Magma.

D’aussi loin qu’elle s’en souvienne, Zach a toujours été son roc, le seul à réellement lui tendre la main et ne pas la prendre en pitié. Elle lui doit la vie et plus encore, c’est son frère, son âme sœur et la personne qu’elle chérit le plus. Elle ne serait rien sans lui, rien qu’une pauvre âme décrépie, occupée uniquement à souffrir, à tenter de fuir cette vie qui ne lui apporte que du malheur. Preuve encore de son importance dans sa vie : elle s’est sentie abandonnée comme jamais lors de ces derniers jours, sans l’ombre de son ami pour accompagner sa fine silhouette. Pas un jour ne passe normalement sans que les deux amis se rejoignent sur la grève et fument, boivent, se tiennent compagnie jusqu’au milieu de la nuit ; sauf si l’on compte les quelques passages où Elspeth est soit trop exténuée, soit trop exaltée pour parvenir à honorer un rendez-vous aussi vague que ceux-là.

Elle se réjouit donc d’apercevoir enfin Zach, installé sur le sable, le regard perdu sur un horizon qu’il ne traversera sans doute jamais. Ils sont englués sur cette île, tous les deux, mais la perspective de l’être ensemble est un phare dans la nuit morose de leur existence. La tempête humaine qu’est le jeune Loganach est calme, ce qui est assez rare pour être souligné, à tel point qu’Elspeth en vient à se demander s’il a déjà fumé un joint il y a peu et si oui, s’il n’a pas un peu d’herbe sur lui car cela fait longtemps qu’elle n’a pas fumé elle-même. Cela lui fait penser qu’elle a un petit quelque chose dans la poche qu’elle pourra partager plus tard avec lui. Le ton plat avec lequel il lui répond la prend de court, c’est qu’elle n’est pas habituée à de telles manières de la part de son meilleur ami. Elle s’écrase dans le sable à ses côtés en fronçant les sourcils.

« - T’as quoi au juste mec ? Tu m’as l’air tout raplapla… Tu penses encore à cette nuit-là ? »

Bien sûr qu’il y pense, évidemment qu’elle a laissé une empreinte irréversible sur son âme. Comme s’ils avaient besoin de cela, l’un comme l’autre se seraient passé aisément de cette malédiction que leur mémoire traumatique ne leur permettra pas d’oublier. Elle en a des flashbacks parfois, des réminiscences inopportunes, elle se bat avec les douleurs et les souvenirs. Cela dit, elle a des médicaments pour combattre les premières.

« - J’ai ce qu’il faut pour planer un peu si tu veux : le doc m’a filé de la morphine. Je sais pas si ça sera assez fort pour toi, mais pour un cadavre vivant comme moi c’est le pied. » Elle sort la plaquette de comprimés de sa poche, en extrait un du blister avant de tendre la plaquette à son partenaire de défonce favori.

Elle attend un assentiment, une affirmation de sa part pour se lancer vers les horizons duveteux que leur promet l’industrie médicamenteuse, un peu malgré elle, ou totalement sciemment, qui sait. Mais quand même, il y a quelque chose d’étrange avec Zach et cela, elle ne peut pas se l’ôter de l’esprit : cette absence de moquerie envers sa béquille, son regard fuyant et son ton monotone ne lui dit rien qui vaille…

date du rp ≈ 17 mars 1982
lieu du rp ≈ sur la plage

Trahison, disgrâce

Elspeth & Zach ☆ La douleur rebondit où elle tombe, non qu'elle soit vide et creuse, mais à cause de son poids.

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Il y a des serments qui n’ont pas besoin d’être prononcés pour exister ; il y a des promesses tacites qui lient deux êtres, encore plus que n’importe quelle bague au doigt ou liens du sang. Zachariah et Elspeth, Elspeth et Zachariah : c’est presque un miracle qu’ils se soient trouvés, ces deux-là. Dans la morosité d’une existence subie, ils se sont trouvés et apprivoisés, un instant, un mot à la fois. Le temps a passé et ils ont grandis en se servant mutuellement d’ancres, perdues en pleine mer mais résolument accrochées l’une à l’autre. Dans l’océan de ténèbres, ils se créaient leur propre lumière et réussissaient à en dégager suffisamment de chaleur pour rester en vie – grelottants, claquant des dents, à la limite du malaise, mais résolument vivants. Aujourd’hui, alors que leurs santés mentales vacillantes peinent à se rappeler le pourquoi de leur lutte, ils savent que l’autre aura toujours la réponse : tu tiens parce que je tiens, tu gardes la tête hors de l’eau pour que je puisse respirer moi-même. Mais lorsqu’un serment est brisé, il est difficile de regarder de la même façon la personne qui avait juré ne jamais nous trahir– la paranoïa s’empare de l’âme et on en vient à remettre en question jusqu’aux fondements de ce lien qui paraissait si fort auparavant.

L’aversion de Zachariah envers Hector ne tient pas de la raison. Elle vient d’un besoin maladif d’exister à travers une colère attendue, de trouver une raison aux sentiments contradictoires qui peuplent son âme – elle est désordonnée et difficile à comprendre, mais ce n’est pas ce qui compte ici. La seule chose à retenir, c’est qu’Elspeth connait parfaitement la haine qui agite les sens de son meilleur ami, raison pour laquelle elle ne lui a pas parlé de son amitié avec le poète : pourtant, elle a sciemment brisé la promesse silencieuse et a bravé l’interdit. Elle aurait pu le frapper, elle aurait pu partir du jour au lendemain de cette île maudite et ne jamais revenir que Zachariah ne lui en aurait pas voulu. Mais cet antagonisme, cette grippe frénétique… C’est ce qui agite le fioul ardent de sa colère. Alors il a mal, le fils de pêcheur, il souffre bien plus que si on lui avait planté un couteau en plein cœur. Et il se tait, parce que parler, c’est risquer de dire des mots trop durs qu’il ne pourrait pas rattraper.
Pourtant, alors qu’elle lui pose une question comme si de rien n’était, qu’elle lui propose de s’évader dans la drogue alors que rien ne va plus entre eux, le vase déborde, l’amertume jaillit. Et les mots sarcastiques dégoulinent de sa bouche tel un poison qui coulerait délicatement dans ses veines.

« - Oh ben j’sais pas, tu veux pas le partager avec ton nouveau meilleur ami plutôt ? Quoi, c’pas l’genre du fils à papa de se camer donc tu vas revoir l’vieux boulet que tu trainais à ton pied ?

Il la sent monter, la colère, celle qu’il réserve habituellement à Hector pour éviter de la crier constamment à la face du monde. Elspeth ne sait pas ce qui lie véritablement le poète et son ami d’enfance, n’a aucun moyen de s’en douter, en fait. Mais à travers son ressentiment et la trahison qui imbibe chaque tonalité dans sa voix, peut-être comprendra-t-elle que l’aigreur qui l’anime n’est pas qu’une simple guerre d’ennui.

- T’sais quoi Els’, laisse moi tranquille, t’as plus rien à faire avec un loser comme moi maintenant que t’as atteint l’élite, que môsieur Desmond a daigné t’accepter dans son groupe d’amis de la haute. »

Et son regard se perd à nouveau dans l’océan, le soupir cueille ses lèvres dans l’acceptation d’une situation trop amère à son goût. S’il ne l’aimait pas à ce point, il serait parti, l’aurait laissé là à se débrouiller pour claudiquer dans le sable, et se serait réfugié au creux de la forêt pour expulser toute sa rage et sa détresse. Mais il reste là, et il attend. Il patiente. Il sent se creuser les meurtrissures de son cœur, et ne sait que faire pour les colmater.

Codage par Magma.

Inséparables comme les deux doigts de la main, ils sont comme un frère et une sœur. Ils s’offrent ce soutien, sont les piliers de leurs vies respectives. Des amis et plus même, une partie d’eux-mêmes, la plus belle même ! Un lien indéfectible est tissé entre eux, certainement éternel, ils en sont persuadés : si tout devait disparaitre de leurs vies, ils seraient toujours ensemble, main dans la main, liés à tout jamais. Et pourtant, au jour d’après la pire horreur qu’ils n’aient jamais vécu, Elspeth vient à douter… Son meilleur ami semble préoccupé, il y a anguille sous roche : ce Zach renfrogné, elle ne le connait pas. Si la bête l’a marquée physiquement et psychiquement, son ami a beau n’avoir aucune blessure visible, elle a peut-être emporté un peu de la naïveté de l’îlien ? Elle voudrait le réconforter, mais comment faire s’il ne lui parle pas ?

Dans l’absolu, le mieux qu’elle a à lui proposer reste l’évasion chimique… Alors elle lui tend la plaquette qui lui a permis de décoller du sol ces derniers jours : ça marche mieux que des antidépresseurs ces trucs, clairement. Le vieux docteur Lockwood ferait mieux de prendre des leçons de ce médecin américain là qui lui a prescris cette bonne morphine qui fait du bien là où ça fait mal, et dans son cas, quand on a mal partout, il n’y a rien de tel. Elle est sûre que cela apportera un repos mérité aux souffrances desquelles Zach semble être la proie. Quelle n’est pas sa surprise quand elle le voit refuser la dope qu’elle lui tend ? Elle manque d’en laisser tomber le précieux cachet dans le sol, elle le remet dans la plaquette, avant de demander incrédule.

« - Mon nouveau meilleur ami ? t’es pas si nouveau que ça mec, on peut pas dire que t’es né de la dernière pluie toi ? » Quel sketch est-il en train de lui jouer ? Il est peut-être déjà camé en fait ? Pourquoi pas, après tout ?

Finalement, Zach laisse éclater sa colère et Elspeth reste bouche-bée. C’est à propos d’Hector. Bien entendu, il a dû entendre les mots qu’ils ont échangé lors de cette fameuse soirée. Bien qu’elle sache pertinemment que c’est inutile, elle décide de crier elle aussi. Elle s’en voudra plus tard.

« - Mais t’es totalement maboul Zach ? Je parle à ce Desmond depuis quelques semaines ouais, bah tu sais quoi, il est pas aussi con qu’on le croit depuis des années ! Grandis un peu, les gueguerres de collège là c’est terminé, on est adultes maintenant ! »

Comme si elle en savait quelque chose de la vie d’adulte, elle qui vit toujours comme à ses treize ans, dépendante de ses grands-parents pour chaque acte de la vie courante, toujours à rêver aux mêmes choses et à déprimer pour les mêmes raisons… Elle est furieuse que quelque chose d’aussi banal qu’une autre personne puisse semer un tel désordre entre Zach et elle.

« - T’es vraiment qu’un gamin, Zach. C’est pas parce que je suis pote avec lui que je peux pas l’être avec toi, franchement… » Elle ne décolère pas, tout cela lui semble dérisoire : cette crise de jalousie insensée lui tape sur les nerfs. Elle tente de se dresser sur ses pieds sous le coup de la colère mais la douleur dans son mollet lui rappelle qu'elle ne peut pas s'enfuir comme cela de ce conflit...

date du rp ≈  17 mars 1982
lieu du rp ≈  sur la plage

Trahison, disgrâce

Elspeth & Zach ☆ La douleur rebondit où elle tombe, non qu'elle soit vide et creuse, mais à cause de son poids.

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Oh la colère, c’est une vieille amie qui murmure à l’oreille de Zach, c’est une voix sinistre qui l’emmène dans l’obscurité, c’est l’alpha et l’oméga, le fondement même de ce qu’il est. Elle a plusieurs façons de s’exprimer selon le temps et le lieu, la personne qui la titille ou la situation que vit l’îlien : si la plupart du temps, elle explose comme un feu d’artifice, scintillant dans le ciel avant d’exploser en des milliers de tisons enflammés, elle n’en est que plus effrayante lorsqu’elle est calme, mesurée. La froideur d’un sourcil froncé, le vide de l’apathie ; tant de mécanismes innés qu’il n’arrive pas à contrôler et qui prennent possession de son corps tel un démon moqueur. Zach aime Elspeth de tout son cœur, de toute son âme. Si un mauvais diable venait mettre en jeu la vie de sa meilleure amie contre sa propre fin, il se sacrifierait sans aucune hésitation : que lui reste-t-il, de toute façon, sans la jeune femme ? Rien d’autre que la solitude lancinante qui lui ceint le ventre, que la froide morsure de l’ennui et de la dépression. Pourtant, voilà qu’elle s’exprime, sa colère, voilà qu’elle se pavane en terrain conquis et qu’elle fissure la fondation de son âme. Car elle a franchit un tabou, l’îlienne, elle a commis la seule faute qui pourrait menacer leur amitié, et pire, elle a eu le malheur de lui cacher la vérité à ce propos. Et elle crie, alors que Zach se contente de la dévisager d’une expression neutre, terriblement effrayante. Comme si cela n’avait aucune importance. Comme si ses entrailles ne se tordaient pas à l’intérieur de son corps, tandis qu’il peut voir cette amitié qui compte tant pour lui se briser devant ses yeux ébahis.

« - Ben non, c’est moi le con dans l’affaire, c’est évident. J’suis tellement con que j’ai rien vu venir. Tellement con que j’ai pensé, pendant près de dix ans, que ça te viendrai jamais à l’idée de faire la seule chose qui pourrait me faire tellement mal que j’en ai envie de crever. Mais c’est pas grave hein, on s’fiche bien des cons de toute façon.

Il ne regarde même plus Elspeth, à présent. Ses yeux sont revenus à la mer et sont ancrés dans les vagues, la couleur de ses iris se confondant avec les flots paisibles qui s’échouent sur la grève. Il a envie de pleurer. Il ne le fait pas, parce qu’il est trop fier pour se laisser aller aux larmes, pas devant celle qui est la cause de son désarroi, en tout cas. Et c’est peut-être vrai, qu’il est un gamin et que sa colère n’a aucun sens, mais il ne peut empêcher son cœur de battre, il ne peut changer ses sentiments d’un tour habile de son poignet. Il est la victime des remous tumultueux de ses émotions.

- Tu sais très bien que c’est pas ce que j’dis. Me prend pas pour plus imbécile que j’le suis hein. J’suis p’têtre con, mais j’perds pas encore la mémoire. Tu m’en as parlé, de ton amitié avec Desmond ? Alors qu’il dit ce nom, la syllabe résonne contre les rochers, il crache le mot comme s’il lui crachait à la figure. Non. Tu m’as rien dis du tout. Il a fallu que j’le découvre alors que j’essayais de sauver nos putains de vies. Et pourquoi ? Ça y est, son ton monte, la colère jaillit. La mer, dans ses yeux, devient orageuse. Parce que tu savais très bien comment j’allais réagir. Tu savais que si y’a bien une chose que je pourrais pas pardonner, c’est ça. Alors viens pas pleurer. T’as fais ton choix. J’suis pas venu te faire chier à ce propos, je t’ai laissé tranquille, et c’est toi qui vient me gueuler dessus alors que je t’ai rien demandé. »

L’affaire, ici, ne résulte pas d’une jalousie mal-placée. Elspeth aurait pu devenir amie avec n’importe qui sur l’île, même les vieilles mégères qui l’ont toujours traité de délinquant, même son propre père qui le tabasse quand il a la main lourde. N’importe qui, sauf Hector Desmond. Parce que la haine qui règne entre eux, cette haine à sens unique, née de sentiments contradictoires qu’il n’arrive pas à comprendre lui-même (palpitant qui s’agite, paume moite, tremblements dans les mains, ça ne peut être que de la colère, n’est-ce pas ?), il ne peut pas passer au-dessus, pas encore, en tout cas. Alors, il se plante lui-même un pieu dans le cœur en abandonnant la personne qui compte le plus à ses yeux, celle qui l’empêche de se jeter dans la mer du Nord chaque jour que Dieu fait. Alors, il se saborde en se demandant si son calvaire prendra un jour fin.

Codage par Magma.

Elle n’a jamais vécu ça, Elspeth, les cris, la douleur qui transperce le cœur comme ça. Oh bien sûr, sa souffrance est bien là, tapie dans son sein au quotidien, mais elle n’a rien à voir avec l’avalanche actuelle. Est-elle en train de perdre Zach pour une histoire de jalousie ? Elle savait que cela risquait d’arriver, et c’est évidemment pour cela qu’elle n’a rien dit de cette nouvelle amitié à Zach… Elle s’en veut atrocement mais ne sait pas comment le montrer et pour l’instant elle préfère crier sur lui, nier l’évidence : bien sûr qu’elle n’aurait pas dû lui mentir. Mais le mal est fait, la discorde s’est immiscée entre les deux amis et maintenant, il ne reste plus qu’à subir, qu’à souffrir les attaques de ce destin qui n’est décidément pas clément avec les deux jeunes gens. Il a fallu que leur roc commun, leur pilier dans la misère s’effondre aussi : mais que leur restera-t-il ? La mort comme seul remède, voilà ce qui ronge l’esprit d’Elspeth alors qu’elle écoute Zach, elle en est persuadée, cela arrangerait tout. Elle a bien compris depuis des années déjà que ces pensées sont les fruits de la dépression sévère qui s’acharne sur elle mais dans ces moments-là, quand le murmure des pensées incessant prend toute la place de la réflexion, elle ne peut relativiser, prendre de la distance ou simplement respirer.

Alors elle se noie dans la colère, c’est le mieux qu’elle puisse faire pour ne pas perdre pied et ne pas sombrer dans l’auto-destruction. Que pourrait-elle faire sur cette plage, à genoux devant la vie douloureuse qu’est la sienne, devant le courroux du seul salvateur qu’elle n’a jamais connu, la seule âme qui l’ait un jour comprise. Ou en ait au moins fait l’effort.

« - Mais redescends un peu de tes grands chevaux là, Zach, tu vas pas m’embrouiller pour un autre gars. Tu me saoules franchement… » Sa jalousie lui fend le cœur et elle tape du poings sur le sol sablonneux, des larmes se forment déjà aux coins de ses yeux.

Au bout d’un moment, elle cherche à se relever, mais n’y parvient pas du premier coup. Pendant ce temps, Zach continue de parler et elle secoue la tête tout en prenant son élan, s’aidant de sa canne unique pour se redresser. Ils sont à la même hauteur maintenant. Qu’elle est pathétique : toute en larmes, accrochée à sa béquille, la fureur déformant ses traits fins et fatigués.

«- Tu m’as rien demandé ? Tu crois que je t’entendais pas chialer sur la plage là comme un pauvre naze ? Franchement j’en ai marre de trainer avec toi, de toujours me coltiner l’autre seul mec assez raté pour accepter de passer du temps avec moi. Ben j’ai trouvé mieux qui sait, finalement, avec Hector. » Elle insiste sur le prénom et un sourire malsain et carnassier dévore son visage. La colère ne lui sied guère, mais elle ne s’en rend pas compte, absorbée dans la douleur, elle compte bien emporter Zach avec elle. Son œil est mauvais et tout son corps tremble, nul doute qu’elle regrettera ses paroles plus tard, mais pour l’instant, Elspeth est reine du chaos et les vagues qui se brisent sur les rochers gris de la plage sont de parfaites métaphores pour les sentiments qui s’écrasent sur les berges de son cœur. Une cacophonie de cris et de haine, envers elle surtout, mais c’est Zach qui en fait les frais.

date du rp ≈  17 mars 1982
lieu du rp ≈  sur la plage

Trahison, disgrâce

Elspeth & Zach ☆ La douleur rebondit où elle tombe, non qu'elle soit vide et creuse, mais à cause de son poids.

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Il y a la raison et les sentiments : ces deux-là se battent, le plus souvent, en s’envoyant à la figure raisonnements logiques et ressentis, preuves tangibles et émotions tenaillant le ventre comme un poing serré qui saisirait les organes pour les écraser. Alors que Zach écoute son amie détruire des années d’amitié en des cris du cœur et des discours agressifs destinés à rien d’autre que de lui faire mal, il doit se tourner vers la rationalité pour ne pas se jeter à la mer afin de faire cesser la douleur. Il entend les mots cascader de la bouche d’Elspeth, mais il s’en tient éloigné, comme s’il était derrière une vitre et qu’il pouvait les voir s’écraser contre le verre, sans qu’ils ne puissent le toucher. Il est spectateur de cette dispute, c’est peut-être la raison pour laquelle il est si calme. Il regarde la mer, il écoute, il a mal. Et lorsqu’il ferme les paupières, l’on peut voir quelques gouttes perler au coin de ses yeux, qui s’échappent à l’instant même où il se tourne à nouveau vers l’îlienne, le regard neutre, le ton égal.

« - Si j’suis un naze, si t’en as marre de moi, barre-toi, qu’est-ce que tu veux que je te dise ? J’ai jamais voulu rien d’autre que ton bonheur, moi, alors si c’est l’cas avec Desmond, va le rejoindre hein. Il hausse les épaules. La vérité brûle ses lèvres autant que le baiser qu’il a échangé avec le poète, mais il ne peut rien dire. Raconter à voix haute ce qu’il s’est passé cette nuit-là, expliquer les raisons cachées de cette haine qui l'anime et qu’il n’est même pas sûr de lui-même comprendre, c’est au-dessus de ses forces. Ce serait le forcer à combattre des démons qu’il a mis des années à mettre aux fers, accepter de mettre la lumière sur l’ombre sordide qu’il s’est efforcé d’oublier, de remiser dans un coin de sa tête. J’suis p’têtre un gamin immature comme tu dis, mais au moins, j’ai la conscience tranquille. J’sais pas si tu peux te dire la même chose.

Il enfonce les clous du cercueil un à un - et s’il redoute le moment où il plongera dans la terre meuble, il sait qu’il ne peut éviter ce moment. Zach se lève lentement, regarde Elspeth. Il est toujours aussi calme, paisible, même. Lui, l’incarnation de la colère, celui qui aurait mis Selkirk à feu et à sang pour un regard de travers ou un mot en trop, ne peut que regarder, impuissant, sa vie voler en éclats. Sa meilleure amie a fait un choix : et ils devront vivre tous les deux avec les conséquences de cette décision jusqu’à la fin de leurs jours.

- Rappelle-toi ce moment, Els’. Rappelle-toi l’instant où t’as décidé de tout foutre en l’air. Rappelle-toi les mots que tu m’as dis et qu’tu pourras pas reprendre, même si t’en as envie. Rappelle-toi des années d’amitié qu’tu jettes au feu parce que t’as pas eu les couilles de m’dire la vérité. Viens pas m’jeter la faute sur le dos hein. J’te dis pas tout ça parce que t’as décidé d’avoir un nouvel ami – putain, j’suis venu te faire chier parce que tu sortais avec Tommy ? Non. Je t’ai même aidé sur ce coup-là, de rien au passage. Je t’en veux parce que tu savais que traîner avec Desmond, c’était quelque chose que j’pouvais pas pardonner et tu l’as fais quand même – que tu m’as échangé contre un jouet tout neuf. Alors j’te souhaite une belle vie, puisque visiblement, j’étais pas assez important pour en faire partie. »

Le fils Loganach se tient droit – ses yeux sont froids, sa bouche serrée. Ses pupilles bleues, qui se confondent avec la mer autour d’eux, transpercent Elspeth de part en part. Il met ses mains dans les poches élimées de sa vieille veste en cuir, et il commence à s’éloigner, marchant tranquillement sur la plage. Ses pas marquent le sable pour mieux s’effacer sous l’effet du vent : cruelle métaphore de la relation qu’il entretient aujourd’hui avec celle qu’il pensait être l’ancre qui le maintenait à flots.

Codage par Magma.

C’est un drame digne des plus grandes tragédies qui prend place sur la plage de Selkirk. Les protagonistes ont déclamé leurs répliques, les dés sont jetés, le destin s’est accompli. C’est reposant la tragédie, d’un côté. Il y a un certain réconfort dans la destruction : Elspeth en tout cas, semble y voir un certain attrait au vu de ses acerbes attaques envers son ami de toujours. Est-elle seulement consciente des mots qu’elle profère et des maux qu’elle inflige ? Apparemment pas. Ses mains tremblent à l’image de tout son corps, son cœur bat à une vitesse incroyable et les larmes bouillonnent au coin de son œil. Elle se crispe, droite comme un i un peu penché, vers le côté de la canne qui la soutient. Il faudra plus qu’une canne pour la soutenir après le départ de son meilleur ami, après les paroles qu’elle commence déjà à regretter… Crier sa colère à Zachariah revient presque à s’arracher le cœur pour elle, mais cet élan de destruction est plus fort qu’elle ; la vague l’emporte et la laisse à demi-consciente dans sa rage, sur le sable pâle de cette plage de la mer du Nord.

« - T’as la conscience tranquille ? t’es bouffé par la haine et la jalousie mon pauvre Zach. » Elle serre les poings, sa mâchoire crispée ne s’ouvre qu’au minimum permettant la compréhension de ses dires.

Elle a envie de se mettre des gifles, elle se déteste, mais son réflexe premier n’est pas de s’excuser, ni même de se rouler en boule au sol : tout ce dont elle rêverait de faire si elle était un tant soit peu raisonnable. Mais ce n’est pas le cas : elle se complait dans la destruction de cette amitié pourtant immortelle au prime abord. Elle se complait dans la douleur et la violence et reçoit les mots de Zach sans courber l’échine, elle le laisse apporter sa pierre à l’édifice de leur malheur. Elle a le menton haut, ses yeux bruns sont brillants d’un éclat nouveau et elle regarde le jeune homme dans les yeux, défiante. Elle ne répond rien, se contente de soutenir son regard et, au bout d’un moment, il lui tourne le dos. Il s’en va et tout ce qu’elle voudrait, encore une fois, c’est attraper son bras et pleurer pleurer des excuses par milliers, laver de ses larmes le chagrin qu’ils ressentent tous deux. Mais elle reste droite, vacillant par moment sous les assauts du vent de Selkirk, accrochée qu’elle est à sa béquille. Zach disparaît à l’horizon et les larmes coulent, la culpabilité remplace la colère et elle tente de prendre la route de sa maison : il lui faut son lit, une échappatoire à ses actes sans noms qu’elle vient d’accomplir, ses mots qu’elle a prononcés. Zachariah a raison : il est trop tard, elle ne peut que s’en vouloir et assumer comme possible les conséquences de ses actes.